En Suède, l'hôpital au bord de la crise de "nurses"

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Par Ilgin KARLIDAG - Stockholm (AFP)
Publié le 03 septembre 2018 - 12:59
Mis à jour le 09 septembre 2018 - 17:10
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Un panneau de la route non officiel montrant une femme en train d'accoucher pour dénoncer la fermeture d'une maternité près de Solleftea dans le nord de la Suède le 9 août 2017
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© Izabelle NODFJELL / TT News Agency/AFP
Un panneau de la route non officiel montrant une femme en train d'accoucher pour dénoncer la fermeture d'une maternité près de Solleftea dans le nord de la Suède le 9 août 2017
© Izabelle NODFJELL / TT News Agency/AFP

Riche pays d'Europe du nord qui s'enorgueillit de décerner chaque année le prix Nobel de médecine, la Suède jouit de l'un des systèmes de santé les plus performants au monde. Mais il faut parfois attendre des mois, voire des années pour un rendez-vous avec un spécialiste.

Les 10 millions de Suédois sont parmi les mieux soignés du monde, font des centenaires à ne plus savoir qu'en faire et le taux de survie des patients atteints de cancer est l'un des plus élevés d'Europe, selon l'OCDE.

Et pourtant, l'exaspération est telle que la dégradation du réseau de soins primaires et de l'hôpital, avant tout dû à une pénurie criante d'infirmières, est la principale préoccupation des Suédois appelés à voter aux législatives dimanche.

Alors qu'ils acquittent un impôt sur le revenu de 50% en moyenne, "le risque est réel qu'ils perdent peu à peu leur confiance dans l'Etat-providence", s'alarme Lisa Pelling du cabinet d'études Arena Idé.

Certaines enquêtes d'opinion mettent en avant l'immigration comme priorité numéro un des Suédois, mais les deux thématiques sont liées.

Pour certains, l'arrivée de 400.000 demandeurs d'asile depuis 2012 aggrave les problèmes de l'hôpital liés à la pénurie d'infirmières et de spécialistes. Pour d'autres, elle répond au défi démographique d'un pays vieillissant qui aura de plus en plus besoin de petites mains pour s'occuper de ses aînés.

"Dans cinq ans seulement, la population des plus de 75 ans augmentera de 70.000 personnes (...), ce qui veut dire aussi plus de maladies", prévient le Premier ministre sortant, le social-démocrate Stefan Löfven.

En Suède, la loi prévoit un délai maximum de 90 jours pour une opération ou une consultation avec un spécialiste. Malgré cela, un tiers des patients attend plus longtemps.

Asia Nader est de ceux-là. Diagnostiquée avec une malformation du coeur, elle a dû attendre un an pour se faire opérer.

"J'ai complètement sombré quand je l'ai appris", se souvient la jeune femme atteinte de cardiopathie congénitale, après l'opération qui a finalement eu lieu en juin, un mois avant son 23ème anniversaire.

- Accoucher dans la voiture -

La loi garantit aussi de pouvoir consulter un généraliste dans les... sept jours, le délai légal le plus long en Europe après le Portugal (15 jours), indique un rapport du cabinet d'études Health Consumer Powerhouse.

Dans la région à faible densité démographique du Jämtland (nord-ouest), plus de la moitié des patients doivent attendre plus de 90 jours pour se faire opérer, contre 17% à Stockholm.

Si l'accès à un médecin généraliste est assuré à peu près partout, difficile en revanche de voir toujours le même. Car pour faire monter les enchères, praticiens et infirmières préfèrent recourir à des cabinets d'intérim qui monnayent leur service.

"Chaque fois que vous en avez besoin, vous consultez un nouveau médecin. Cela nous fait perdre beaucoup de temps en matière de diagnostic et de suivi", déplore Heidi Stenmyren, présidente de l'Association des médecins suédois.

Pour pallier les pénuries, les services de consultation à distance, sur internet, font florès.

Pas moins de 80% des structures de santé en Suède manquent d'infirmières, selon l'Institut suédois des statistiques.

Lassées de faire des heures supplémentaires pour des salaires médiocres, des dizaines de milliers d'infirmières ont rendu leur blouse depuis le début de l'année, selon Sineva Ribeiro, cheffe de l'Association suédoise des professionnels de santé.

Et comme ailleurs en Europe, la Suède voit naître sur son territoire de véritables déserts médicaux, pour des raisons budgétaires.

A Solleftea, la ville d'origine du Premier ministre, l'unique maternité a fermé ses portes en 2017.

La maternité la plus proche est désormais à 200 kilomètres et les sage-femmes ont dû lancer des formations à l'intention des futures mères pour leur apprendre à accoucher... dans la voiture, ce que certaines d'entre elles ont dû faire depuis.

Le débat porte pourtant moins sur le manque de ressources financières que sur leur - mauvaise - utilisation.

Ainsi à Stockholm, le chantier du New Karolinska University Hospital a-t-il fait scandale: alors que le contribuable a déboursé 61,4 milliards de couronnes (5,8 milliards d'euros) pour l'hôpital le plus cher du monde, des patients ont dû être transférés vers d'autres structures, certains services étant incapables de les accueillir.

Imparfait, certes. Mais la Suède bénéficie du "4e meilleur système de santé au monde", s'agace le Premier ministre.

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