Enquête russe : Trump et les soupçons d'entrave à la justice

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Par Paul HANDLEY - Washington (AFP)
Publié le 20 mars 2018 - 18:11
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Un panneau publicitaire demandant la destitution du président américain Donald Trump est visible à West Palm Beach (Floride, sud-est) le 19 mars 2018
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© JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP
Un panneau publicitaire demandant la destitution du président américain Donald Trump est visible à West Palm Beach (Floride, sud-est) le 19 mars 2018
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Donald Trump dénonce régulièrement l'enquête sur une éventuelle ingérence russe lors de la présidentielle américaine de 2016 mais son insistance pourrait donner corps à l'accusation beaucoup plus sérieuse d'entrave à la justice, qui pourrait menacer le mandat du milliardaire républicain, estiment des experts juridiques.

Dans une série de messages vengeurs sur Twitter, M. Trump a dénoncé samedi "les mensonges et la corruption qui régnaient aux plus hauts niveaux du FBI" au lendemain du limogeage de l'ex-numéro deux du FBI Andrew McCabe, près d'un an après celui de son ancien patron, James Comey.

Le président s'en est pris à nouveau à l'enquête du procureur spécial Robert Mueller, qualifiée de "chasse aux sorcières" qui "n'aurait jamais dû commencer".

Il a aussi relancé les spéculations sur sa volonté d'avoir la tête de M. Mueller qui avait repris en mai 2017, après le départ de James Comey, les investigations sur une éventuelle collusion entre l'équipe de M. Trump et des responsables russes pour le faire élire.

"Le procureur spécial devrait pouvoir terminer son enquête sans ingérence", a déclaré mardi le patron des parlementaires républicains, Paul Ryan, affirmant avoir "reçu des assurances que son limogeage n'est même pas à l'étude".

La vaste enquête dirigée par le procureur de 73 ans, lui-même ancien directeur du FBI, ne semble pas avoir pour le moment apporté de preuve de collusion mais plusieurs éléments pourraient étayer les soupçons d'entrave à la justice.

"Il apparaît que M. Trump n'est pas inquiet d'une responsabilité potentielle, compte tenu de ses tweets attaquant régulièrement le FBI et le DOJ (ministère de la Justice)", a indiqué sur Twitter Renato Mariotti, un ancien procureur fédéral, selon qui le président "continue à monter un dossier d'entrave contre lui-même".

Pour l'avocat d'Andrew McCbabe, Michael Bromwich, les messages de M. Trump "confirment qu'il a altéré le processus entier qui a conduit au limogeage de M. McCabe et l'a rendu illégitime".

Lors de son audition au Sénat en juin 2017, James Comey avait déjà évoqué les pressions venues de la Maison Blanche dans l’enquête russe. Il avait affirmé que le président avait exigé sa "loyauté" et demandé d'abandonner ses investigations sur le général Michael Flynn, le conseiller présidentiel à la sécurité nationale forcé à la démission.

- Nixon et Clinton déjà visés -

L'instruction pour entrave pourrait aussi s'appuyer sur des faux témoignages de collaborateurs de M. Trump, des demandes présumées du président pour limoger le ministre de la Justice Jeff Sessions et M. Mueller, ou d'éventuelles tentatives de cacher des contacts entre l'équipe du candidat républicain et des Russes pendant la campagne.

Samedi, John Dowd, l'avocat de M. Trump, a semblé lui aussi s'insérer dans l'enquête en demandant "la fin des investigations sur une éventuelle collusion russe fabriquées par le patron de M. McCabe, James Comey".

L'accusation d'entrave à la justice a déjà visé des présidents américains. Richard Nixon avait choisi de démissionner en 1974 pour éviter une destitution quasi-certaine par le Congrès après l'affaire du Watergate. C'était aussi l'un des deux points de la procédure de destitution votée par la Chambre des représentants en 1998 contre Bill Clinton dans le scandale Monica Lewinsky.

Mais M. Mueller devra démontrer que les actes du président Trump étaient délibérés, une tâche difficile selon plusieurs experts.

Pour le constitutionnaliste Alan Dershowitz, il faudrait prouver que M. Trump a détruit des preuves, demandé à quelqu'un de mentir ou l'ait payé pour se parjurer. Or jusqu'ici, "tout ce que fait le président est autorisé par la constitution", a-t-il souligné vendredi sur Fox News.

Le dossier devrait aussi être assez solide pour que le ministère de la Justice, dirigé par un républicain, ose mettre le président en accusation, ou que la Chambre des représentants, également contrôlée par les républicains, accepte d'étudier une procédure de destitution. Ceci expliquerait la stratégie de M. Trump qui veut convaincre les parlementaires et l'opinion que MM. McCabe et Comey ne sont pas dignes de confiance et que l'équipe de M. Mueller est partiale dans son enquête.

Mais le temps presse pour le président. Les démocrates espèrent reprendre la Chambre lors des élections parlementaires en novembre, et certains obstacles pourraient alors être levés.

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