Enrôlée, pauvre et isolée, la jeunesse des confins de la Birmanie reste pleine d'espoir

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Par Ye Aung THU, Hla-Hla HTAY - Panghsang (Birmanie) (AFP)
Publié le 20 avril 2019 - 13:40
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Des membres de la guérilla USWA défilent lors d'une cérémonie à Pangshang, le 17 avril 2019, pour fêter les 30 ans de cessez-le-feu avec l'armée birmane
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© Ye Aung THU / AFP
Des membres de la guérilla USWA défilent lors d'une cérémonie à Pangshang, le 17 avril 2019, pour fêter les 30 ans de cessez-le-feu avec l'armée birmane
© Ye Aung THU / AFP

"Il y a du bonheur ici", sourit Nilar Oo, 19 ans, chevelure d'ébène et longue robe bleu roi. Grandir en territoire Wa dans l'extrême est de la Birmanie, une terre montagneuse, isolée, hors-de portée du miracle économique de la Chine voisine, n'est pourtant pas aisé.

Les visiteurs étrangers sont rares dans cette région de la taille de la Belgique, dont l'accès est presque entièrement verrouillé.

Depuis 30 ans, la plus puissante faction rebelle de Birmanie, l'Armée unie de l'Etat Wa (UWSA), forte d'au moins 25.000 hommes, règne en maître sur cette zone qui bénéficie d'un statut semi-autonome.

Pour fêter les 30 ans de sa "prise de pouvoir", cette guérilla communiste a fait défiler ses troupes cette semaine dans les rues de la capitale régionale, Panghsang, une démonstration de force à l'égard du pouvoir central.

Alors que la nuit est tombée sur la ville, de jeunes soldats, peu habitués à quitter les forêts montagneuses et à descendre en ville, font la fête après le défilé.

"Il m'arrive d'être déprimé, mais aujourd'hui toutes mes tensions ont disparu", sourit Aung Aung après avoir dansé en tenue militaire.

"Si vous vous dites que (la vie dans les rangs de l'UWSA, ndlr) n'est pas difficile, alors ce n'est pas difficile", philosophe le jeune homme de 20 ans, enrôlé il y a deux ans.

Peu de recrues acceptent de se confier à l'AFP alors que les responsables de l'Armée unie de l'Etat Wa ne sont jamais très loin.

"Je veux être médecin", raconte San Sai Aung, 17 ans, qui a intégré comme son père la faction armée. "J'essaie d'apprendre en allant à l'hôpital chaque fois que j'ai du temps libre".

- Adolescents-soldats -

Dans chaque famille, un garçon ou une fille, parfois à peine entré dans l'adolescence, se doit d'être enrôlé dans cette guérilla. En retour, il perçoit quelque 200 yuans par mois, moins de 30 euros, est nourri et logé.

L'UWSA est en grande partie armée et financée par Pékin qui considère, à des fins stratégiques, la région comme son arrière-cour et la protège du gouvernement central birman.

La monnaie chinoise, le yuan, y est la devise officielle et le mandarin la langue des affaires.

La plupart des jeunes résidant à Panghsang le parlent.

"Je viens de terminer mon école de Chinois. J'ai grandi ici. J'aime cette ville. Souvent, avec mes amis, nous partons dans les montagnes voisines cuisiner et danser", raconte Nan Sai Lao, 19 ans, membre d'une ethnie différente des Wa, les Shan, et employé dans le petit restaurant familial.

Nilar Oo étudie aussi le mandarin dans une région voisine et espère venir travailler à Panghsang quand son niveau de langue sera suffisamment bon.

"Je veux faire des affaires ici. Les gens sont disciplinés (et) il y a beaucoup d'endroits pour faire la fête", relève-t-elle.

Karaokés, casinos ... bordels: en quelques années des hommes d'affaires chinois ont fortement marqué la ville de leur empreinte.

Et un nouvel établissement de jeux de 20 étages sort de terre.

"Beaucoup de choses ont changé. Les routes se sont améliorées. Il n'y avait pas autant de maisons quand je suis arrivé" en 2012 pour travailler ici comme cuisinier, relève Kyar Khor She, 24 ans.

Depuis qu'il a obtenu une semi-autonomie, l'ensemble du territoire contrôlé par l'UWSA connaît un boom économique.

Il recèle l'une des plus grandes mines d'étain au monde et d'énormes plantations de caoutchouc.

Il est aussi considéré comme un narco-Etat par les observateurs: connu pendant des années comme une plaque-tournante pour le commerce de l'opium, il abriterait aussi de nombreux laboratoires de production de méthamphétamines, des allégations que les responsables de l'UWSA démentent avec véhémence.

La jeunesse de la région, composée d'une multitude d'ethnies, ne profite guère de ces retombées économiques, légales ou illicites.

Beaucoup de jeunes femmes travaillent dans les bordels de Panghsang ou d'autres villes interlopes le long de la frontière chinoise, tandis que les jeunes hommes sont employés dans des restaurants, des casinos ou des chantiers de construction contre un maigre salaire.

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