Espagne : fragilisé, le président catalan radicalise son discours

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Par Daniel BOSQUE avec Daniel SILVA à Madrid - Barcelone (AFP)
Publié le 10 décembre 2018 - 18:19
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Le président catalan Quim Torra réagit aux lourdes réquisitions du parquet espagnol contre des dirigeants indépendantistes de la région, dans une déclaration à Barcelone le 2 novembre 2018
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© PAU BARRENA / AFP
Le président de la région catalane Quim Torra à Barcelone le 2 novembre 2018
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Fragilisé par les divisions et les manifestations de mécontentement en Catalogne, le président régional est monté d'un cran dans la rhétorique séparatiste provocatrice, s'attirant lundi une nouvelle vague de critiques.

Lors de la présentation samedi à Bruxelles du "conseil de la République", sorte de gouvernement catalan parallèle en exil, Quim Torra a exhorté les Catalans à suivre l'exemple de la Slovénie qui avait déclenché un conflit meurtrier en proclamant unilatéralement son indépendance de la Yougoslavie en 1991.

"Les Catalans n'ont plus peur (...) Il n'y a pas de marche arrière sur le chemin vers la liberté. Les Slovènes ont décidé d'aller de l'avant avec toutes les conséquences (que cela supposait). Faisons comme eux et soyons prêts à tout pour vivre libres", a-t-il dit.

Une radicalisation de son discours qui intervient alors que l'exécutif catalan a été fragilisé récemment par une vague de grèves et de manifestations de fonctionnaires contre sa politique sociale. M. Torra a encore jeté de l'huile sur le feu en critiquant l'action de la police catalane, pourtant sous ses ordres, contre des séparatistes radicaux violents.

Dans un autre signe du caractère incantatoire de sa présidence, Quim Torra a décidé de s'associer durant 48 heures à une grève de la faim de quatre dirigeants séparatistes emprisonnés pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017 et dont le procès doit s'ouvrir début 2019.

"Torra a des problèmes internes avec la vague de protestations contre les coupes budgétaires" et "le fait qu'il soit sous pression peut expliquer pourquoi son discours est aussi agressif", estime Antonio Barroso du cabinet Teneo Intelligence.

- 'Insensé' -

Ses déclarations sur la Slovénie ont suscité des critiques de toutes parts.

"C'est lamentable, c'est insensé", a déclaré lundi la porte-parole du gouvernement espagnol Isabel Celaa en faisant référence aux 62 morts lors du conflit armé de dix jours ayant suivi la sécession de ce pays.

"C'est un langage qui semble appeler à l'insurrection", a dit pour sa part le ministre espagnol des Affaires étrangères Josep Borrell.

"Illuminé", "danger public": d'autres condamnations sont venues de la gauche comme de la droite espagnoles tandis que le parti d'extrême droite Vox a indiqué qu'il allait déposer une plainte pour "incitation à la rébellion".

Signe des divisions du camp indépendantiste, des voix dissonantes se sont fait entendre chez les plus modérés.

"Torra se situe (...) dans une zone où la frivolité et l'escalade rhétorique transforme tout en carton-pâte", a lancé l'analyste proche des séparatistes Francesc Marc Álvaro dans le quotidien La Vanguardia.

Pour le politologue Fernando Vallespín, adopter ce discours est aussi pour Torra "une manière de ramener (le conflit catalan) sous le feu des projecteurs européens" plus tournés désormais vers le Brexit ou les "gilets jaunes" en France.

Ce ton complique toutefois le dialogue voulu par le gouvernement de Pedro Sanchez qui veut tenir le 21 décembre le conseil des ministres à Barcelone. Un geste d'apaisement que les séparatistes radicaux ont déjà promis de paralyser par de nouvelles manifestations.

Si la "position de la Catalogne est de radicaliser le discours (...), la position la plus intelligente de Sanchez", en minorité au Parlement, "est de convoquer des élections au plus vite car sinon il va favoriser la droite", juge Fernando Vallespin.

Lors des élections régionales du 2 décembre en Andalousie, fief socialiste, l'extrême droite de Vox et la droite ont prospéré en dénonçant les séparatistes catalans, sur lesquels Sanchez essaie de s'appuyer pour maintenir à flot son gouvernement très minoritaire.

Selon Vallespin, si le ton ne s'apaise pas en Catalogne, une alliance droite/extrême droite anti-indépendantistes n'est pas à exclure au niveau national. Ce qui pourrait paradoxalement profiter à Torra car "il est toujours plus facile de se confronter à un Etat plus radical qu'à un profil plus ouvert comme celui de Pedro Sanchez", conclut l'universitaire.

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