Fuyant le dernier réduit de l'EI en Syrie, deux Françaises racontent

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Par Margaux BERGEY et MAYA GEBEILY - Baghouz (Syrie) (AFP)
Publié le 11 février 2019 - 19:03
Mis à jour le 12 février 2019 - 01:02
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Une Française en niqab noir entouré de ses enfants s'exprimant après avoir fui le dernier réduit du groupe jihadiste Etat islamique dans l'est de la Syrie le 11 février 2019
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© Fadel SENNA / AFP
Une Française en niqab noir entouré de ses enfants s'exprimant après avoir fui le dernier réduit du groupe jihadiste Etat islamique dans l'est de la Syrie le 11 février 2019
© Fadel SENNA / AFP

Deux Françaises qui ont fui le dernier réduit du groupe Etat islamique (EI) dans l'est de la Syrie ont indiqué à lundi l'AFP que de nombreux étrangers se trouvaient toujours dans la poche jihadiste, assurant que l'organisation ultra-radicale empêche leur sortie.

Les deux femmes, qui se disent originaires de Bordeaux et de Lyon, ont payé des passeurs pour pouvoir sortir avec leurs enfants en bas-âge du dernier carré jihadiste dans la province de Deir Ezzor.

L'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) a lancé samedi son assaut "final" contre ce secteur, où quelque 500 à 600 jihadistes sont retranchés et livrent une résistance farouche, tout près de la frontière irakienne.

"Il y a beaucoup de mouhajirine (étrangers qui ont rallié l'EI, ndlr), parmi lesquels des Français ou d'autres qui essaient de sortir, mais les jihadistes les en empêchent, ils servent de boucliers humains", confie une Française interrogée par l'AFP, à une position des FDS près du village de Baghouz.

La jeune femme, la vingtaine, se présente sous le nom de Christelle et se dit originaire de Bordeaux.

"Ils font partir tous les Irakiens, tous les Syriens, mais nous, ils nous bloquent. Ils les font sortir à l'aide de passeurs, par contre ils nous laissent là-bas", lâche-t-elle.

Sur la plateforme d'une camionnette où femmes et enfants en pleurs sont entassés, elle attend son transfert vers un camp de déplacés du nord syrien, où les familles de jihadistes sont installées dans une zone sous haute sécurité.

L'AFP n'a pas pu vérifier de manière indépendante le récit des deux Françaises. Toutes deux ne souhaitent pas nécessairement rentrer dans l'Hexagone, alors que Paris semble désormais envisager le retour de ses ressortissants en Syrie. Une source proche du dossier en France a évoqué le cas de 150 Français, des adultes et 90 mineurs.

- "Je veux garder mes enfants" -

Le mari de Christelle a été tué dans un raid aérien, dit-elle. Ses deux enfants, un an et trois ans, sont allongés sur ses genoux. En cas de retour en France, elle espère ne pas être séparée d'eux. "Je veux garder mes enfants", plaide-t-elle.

"Moi j'aurais préféré rentrer dans un pays où il y a plus d'islam, parce qu'en France, on ne peut pas forcément vivre notre religion comme on veut", ajoute-t-elle.

Les forces kurdes détiennent aujourd'hui des centaines d'étrangers, des hommes mais aussi des femmes et des enfants.

Les autorités kurdes réclament le rapatriement des jihadistes vers leurs pays d'origine, mais dans leur ensemble, les Occidentaux sont réticents.

Comme tout le monde dans la camionnette, Christelle a gardé son niqab noir. Seules ses mains squelettiques et sales sont visibles, avec au doigt une bague en argent bon marché.

Elle dit s'être convertie à l'islam et être venue en Syrie en 2014 "pour la religion".

- "On a tout perdu"

"Comme tout le monde", elle se retrouve d'abord à Raqa, ex-"capitale" de facto des jihadistes dans le nord syrien.Au "Au début ça allait, mais après on a vu qu'ils nous ont pris pour des cons", raconte-t-elle.

Aujourd'hui, elle ne cache pas sa désillusion face à l'EI, et surtout son "calife", Abou Bakr al-Baghdadi.

"on l'a jamais vu ce type-là. On l'a vu une fois en vidéo. En tout cas, sa famille n'est pas en train de se faire massacrer. Il n'y a que des femmes et des enfants qui se font massacrer", lâche-t-elle.

"Bien sûr qu'on regrette. On a tout perdu en venant ici", poursuit Christelle. "On s'est retrouvé coincés, piégés par la propagande, venez chez nous, regardez, la belle vie", lance-t-elle amèrement.

Elle dit ne jamais avoir vu les jihadistes français Jean-Michel et Fabien Clain, dont le sort reste un mystère.

A bord de la même camionnette, une deuxième Française veut aussi rester avec ses deux enfants -- et pas nécessairement en France.

"Ils interdisent le niqab, ils interdisent de vivre: on a pas de droits. Et même (Nicolas) Sarkozy, l'a dit, +soit vous restez comme ça, soit vous quittez le pays+. On a quitté le pays", assène-t-elle en référence à l'ancien président français.

Convertie à l'islam, elle dit avoir quitté la France en 2012. Son voile intégral ne laisse apparaître que ses yeux bleus.

Autour d'elle, des civils sont entassés dans une dizaine de camionnettes, stationnées aux abords de Baghouz.

Quelque 18 étrangers se trouvent parmi eux, dont des Russes, des Turcs et des Ukrainiens, selon les conducteurs.

Les journalistes se pressent tout autour, à la recherche de ces étrangers, certains criant, "France? France?".

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