Groenland et Féroé, un modèle difficile à exporter en Catalogne

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Par Helene DAUSCHY, Avec Gaël BRANCHEREAU à Stockholm - Copenhague (AFP)
Publié le 23 janvier 2018 - 11:33
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Le président catalan destitué Carles Puigdemont, lors d'un débat à l'université de Copenhague, le 22 janvier 2018
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© Jonathan NACKSTRAND / AFP
Le président catalan destitué Carles Puigdemont, lors d'un débat à l'université de Copenhague, le 22 janvier 2018
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A Copenhague pour "internationaliser" la cause catalane, l'indépendantiste Carles Puigdemont cite en exemple le chemin pacifique vers l'autodétermination du Groenland et des îles Féroé, territoires autonomes danois. Un modèle pourtant difficile à exporter, selon les analystes.

"Ce n'est pas une chose facile, je le sais, mais vous avez prouvé qu'elle était possible", a lancé M. Puigdemont lundi lors d'un colloque sur la crise institutionnelle catalane au département de sciences politiques de l'université de Copenhague.

M. Puigdemont devait rencontrer mardi des députés danois à l'invitation de Magni Arge, élu du parti séparatiste féringien Tjódveld ("Les républicains"). Les représentants des formations présentes dans le gouvernement danois de centre-droit se sont fait excuser.

Pour Magni Arge, observateur lors du référendum d'autodétermination catalan interdit par Madrid en octobre, l'objet de la rencontre est de faire un état des lieux de la relation entre Barcelone et Madrid.

Et pour Carles Puigdemont, d'en apprendre davantage sur l'émancipation des vieilles colonies danoises.

Petite monarchie parlementaire qui a bâti sa prospérité sur la réforme et le consensus, le Danemark n'a cessé depuis les années 1950 de remplir de contenu la souveraineté de ses anciennes possessions arctiques.

Les discussions peuvent être âpres sur certains sujets comme l'exploitation des ressources naturelles mais pour l'essentiel les contentieux se règlent par compromis dans le huis-clos des ministères.

"Au Danemark, défendre l'indépendance des îles Féroé n'est pas criminel", ironise M. Arge, joint par l'AFP.

- Une indépendance "légitime" -

Dans le cas du Groenland, il sera compliqué pour M. Puigdemont de tirer des leçons utiles tant tout distingue la plus grande île de la planète, un désert de neige aux prises avec de criantes difficultés économiques et sociales, de la riche Catalogne.

Ses 55.000 habitants, en majorité inuits, sont considérés comme peuple autochtone.

En 2009, le Parlement danois a voté une loi sur l'autodétermination du Groenland censé déboucher à terme sur un référendum contraignant.

"Le Danemark montre encore une fois qu'il comprend la démocratie", a commenté M. Puigdemont lundi.

Quant aux Féringiens, pêcheurs et éleveurs de moutons, leur statut d'îliens et l'intérêt stratégique modéré de l'archipel pour le Danemark - qui lui verse de confortables subsides - n'en font pas un enjeu majeur aux yeux de l'opinion publique.

L'archipel a prévu en avril un référendum sur une nouvelle Constitution qui lui donnerait le droit à l'autodétermination.

"La pleine indépendance de ces deux parties du royaume est largement jugée légitime (par les Danois) si elles décidaient de faire sécession", analyse Henrik Larsen, professeur à la faculté des sciences sociales de Copenhague.

Pour autant, "l'élite politique ne souhaite pas que cela se produise", ajoute-t-il. Et le gouvernement central à Copenhague a fait les concessions nécessaires pour éviter une "déclaration unilatérale de sécession" de ses anciens dominions, comme celle survenue en Catalogne le 27 octobre dernier, note Marku Suksi, professeur de droit international à l'université de Turku en Finlande.

En Catalogne, la situation est particulièrement complexe: la région a sa propre langue et culture mais sur ses 7,5 millions d'habitants, plus de la moitié viennent d'ailleurs ou sont enfants d'immigrés d'autres régions d'Espagne. Et sur l'indépendance, la Catalogne est divisée en parts presque égales... jusque dans les familles.

En revanche, plus de 70% des Catalans tiennent à ce que le débat soit tranché par le biais d'un référendum légal, selon des sondages.

- Une histoire aux antipodes -

L'histoire politique récente de l'Espagne est aux antipodes de celle du Danemark.

La première est sortie en 1977 de quatre décennies de dictature franquiste et en 2011 de quarante ans de lutte armée pour l'indépendantisme au Pays basque qui a fait plus de 800 morts. Le second s'est hissé, dans la paix, au rang des pays les plus prospères et égalitaires du monde.

Etat membre de l'Union européenne bénéficiant de nombreuses exemptions au projet communautaire (défense, justice en partie, monnaie), le Danemark est parfois perçu comme relativement indulgent à l'égard des réticences nationales ou des régionalismes face à Bruxelles.

"Cela dépend de la coalition gouvernementale à Copenhague", tempère Maria Ackrén, professeure de sciences politiques à Nuuk, la capitale groenlandaise. "Et en ce moment, elle est très conservatrice", ajoute-t-elle.

Le Premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen (dont le parti libéral appartient pourtant au Parlement européen au même groupe que celui de... M. Puigdemont), s'est bien gardé de s'immiscer dans la crise catalane.

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