A Idleb, un blogueur américain montre sur Youtube la Syrie des insurgés

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Par Maya GEBEILY - Beyrouth (AFP)
Publié le 23 septembre 2018 - 12:35
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Manifestation contre le régime syrien de Bachar al-Assad, dans la partie de la province d'Idleb aux mains des insurgés, le 21 septembre 2018
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© OMAR HAJ KADOUR / AFP
Manifestation contre le régime syrien de Bachar al-Assad, dans la partie de la province d'Idleb aux mains des insurgés, le 21 septembre 2018
© OMAR HAJ KADOUR / AFP

Devant une carte d'Idleb, Bilal Abdul Kareem analyse sur Youtube la situation dans le dernier bastion insurgé de Syrie. A la manière d'un présentateur météo, cet Américain, qui vit sur place, raconte aux internautes son quotidien et les soubresauts de la guerre syrienne.

Né Darrell Lamont Phelps, ce quadragénaire converti à l'islam vit désormais à des milliers de km de son quartier natal de New York, où il a grandi en traînant dans les restaurants italiens près du Bronx.

Sur sa chaîne YouTube ou sa page Facebook, suivie par plus de 86.000 personnes, ce "Noir chauve au milieu de la Syrie", comme il se décrit, poste régulièrement des vidéos sur la vie dans les territoires insurgés en Syrie, ravagé depuis 2011 par la guerre.

Les tirs d'artillerie font partie de son quotidien et rythment ses vidéos diffusées sur Youtube. "C'est normal ici", dit-il, avec son accent typique des Etats-Unis, à l'AFP, qui l'a contacté via Skype et les réseaux sociaux.

Quand il ne filme pas les ravages des raids aériens ou qu'il n'explore pas les tranchées des rebelles à la manière d'un correspondant de guerre, le blogueur à la barbe broussailleuse part à la rencontre des jihadistes d'Al-Qaïda.

Grand et musclé, Bilal Abdul Kareem possède de solides contacts dans la province d'Idleb (nord-ouest), notamment auprès des factions rebelles ou Hayat Tahrir al-Cham (HTS), une organisation dominée par l'ex-branche d'Al-Qaïda, ce qui lui permet d'aller là où les journalistes étrangers ne peuvent se rendre, en raison des risques d'enlèvements.

Mais ses réseaux lui valent aussi d'être accusé de faire de la "propagande jihadiste" ou du moins d'être un "sympathisant" de HTS ou Al-Qaïda, qualifiés de groupes "terroristes" par Washington. Lui dément ces allégations et accuse le gouvernement américain d'avoir tenté de l'assassiner en Syrie.

- Conversations "profondes" -

Chaque matin, l'Américain se lève à 04H30 pour effectuer la prière de l'aube, avant d'inspecter sa voiture pour s'assurer qu'aucun engin explosif n'y a été installé pendant la nuit.

Puis, selon les jours, il est emmené en moto vers le front, micro-cravate en poche, mais dépourvu d'équipement de protection en cas de tirs.

Installé au Moyen-Orient en 2002, Bilal Abdul Kareem s'est marié en Egypte. Il garde depuis secret le lieu de résidence de sa famille, pour des raisons de sécurité.

En 2012, il quitte la Libye pour la Syrie et s'intéresse de près à la rébellion qui a pris les armes contre le président Bachar al-Assad.

Collaborant d'abord avec les médias étrangers comme la chaîne américaine CNN, il est ensuite rapidement boudé par la presse internationale qui s'interroge sur ses liens avec les factions locales.

"J'ai de bonnes relations de travail avec chaque groupe (insurgé), ce qui ne veut pas nécessairement dire que je suis d'accord avec tout ce qu'ils font", se défend-il.

"Je me souviens avoir eu des conversations très profondes avec plusieurs membres d'Al-Qaïda à propos des Etats-Unis, des Américains, et de la démocratie", assure celui qui dit être partisan d'un dialogue entre pays occidentaux et insurgés d'Idleb.

"Ils n'ont pas de crocs dégoulinant de sang et ils ne veulent pas manger les enfants américains", ironise-t-il.

- "Plus la même" Amérique -

Bilal Abdul Kareem n'est pas le seul Américain à Idleb. "Il y en a quelques-uns. Tous des combattants", confie-t-il.

Tout comme il était resté dans les quartiers insurgés d'Alep jusqu'à la victoire du régime, fin 2016, le blogueur est déterminé. "Je serai l'un des derniers à partir", martèle-t-il.

Dans l'une de ses vidéos, il loue l'initiative russo-turque, qui donne un sursis à Idleb, alors que ce dernier bastion insurgé vit toujours sous la menace d'une offensive du régime.

L'Américain, qui n'habite plus depuis 16 ans aux Etats-Unis, dit parfois ressentir le mal du pays: parler anglais lui manque, mais aussi manger sa marque de céréales préférés.

Mais avec Donald Trump au pouvoir, il craint de ne pas reconnaître son pays: "J'ai l'impression que l'Amérique n'est plus la même que celle où j'ai grandi".

Ses liens avec les Etats-Unis se limitent à ses relations avec sa soeur, et la plainte qu'il a déposée en 2017 contre Donald Trump et de hauts responsables américains, qu'il accuse d'avoir tenté de le tuer cinq fois.

Lors d'une de ces tentatives présumées, la voiture où il se trouvait "a été touchée lors d'un raid mené par un drone. Le véhicule a volé dans les airs avant de retomber sur le côté", affirme-t-il.

A ce propos, il demande aux autorités américaines de cesser de le cibler et de l'enlever d'une "liste noire" où il figure, selon lui.

En Syrie, il dit avoir trouvé un "travail" pour lequel il était fait.

"Les gens meurent en grand nombre, et si je peux faire quelque chose pour aider, c'est mieux que n'importe quelle autre activité en Amérique", assure-t-il.

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