Indonésie : 20 ans après la chute de Suharto, des parents attendent la justice

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Par Dessy SAGITA - Jakarta (AFP)
Publié le 21 mai 2018 - 08:53
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Veillée en face du palais présidentiel à Jakarta, le 17 mai 2018
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© MADEIRA / AFP
Veillée en face du palais présidentiel à Jakarta, le 17 mai 2018
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Asih Widodo participe presque toutes les semaines à une veillée en face du palais présidentiel à Jakarta, réclamant que justice soit rendue pour son fils tué lors d'une vague de violences meurtrières après la chute du dictateur indonésien Suharto en 1998.

La journée de lundi marque le 20e anniversaire de la démission de l'ancien général Suharto au plus fort de la crise économique asiatique, pendant laquelle l'Indonésie a été paralysée par des émeutes, des pénuries de nourriture, une dégringolade de la roupie et un chômage de masse.

Plus d'un millier de personnes auraient été tuées peu avant le départ de Suharto et dans les mois qui ont suivi la chute de son régime autocratique chassé par une révolte populaire après 31 ans de règne (1967-1998).

Le fils de Mme Widodo, Sigit Prasetyo, alors étudiant dans une école d'ingénieurs, a succombé à une pluie de balles tirées par l'armée sur une foule de manifestants.

"J'étais au travail quand j'ai reçu un appel téléphonique m'indiquant que mon fils était à l'hôpital. Je savais dans mon cœur qu'il était parti. Mon fils a été tué par l'armée", a confié à l'AFP Mme Widodo lors d'une récente veille au centre de la capitale indonésienne, au côté d'autres parents exigeant des réponses concernant la mort d'étudiants tués.

Le général Suharto est arrivé au pouvoir en 1967, après la répression par l'armée d'un coup d’État manqué, attribué par les autorités aux communistes. Un demi million de personnes affiliés au Parti communiste indonésien (PKI) ont été tuées dans l'un des pires massacres du XXe siècle.

Décédé en 2008, Suharto n'a jamais été tenu de rendre des comptes pour les violations de droits de l'homme et détournements présumés de milliards d'euros des coffres de l’État au cours de son règne, devenue synonyme de corruption et de népotisme.

Dans les deux décennies qui ont suivi cette période sombre de son histoire, l'Indonésie a mué en démocratie et est devenue la première économie d'Asie du Sud-Est mais reste un pays gangrené par la corruption et les inégalités, et critiqué pour les atteintes aux minorités.

- Pillages et viols -

Les Indonésiens de l'ethnie chinoise minoritaire ont fait les frais des derniers jours de la répression menée par le régime de Suharto et ses milices qui se sont livrées à des pillages et des viols.

De nombreuses personnes calfeutrées dans des bâtiments en feu ont péri, des magasins tenus par des membres de l'ethnie chinoise ont été saccagés et des voitures brûlées. Pour les Indonésiens, les Chinois représentent la réussite matérielle et la richesse, qui exacerbent les jalousies, en particulier en période de crise.

Ayu Puspita avait 30 ans à l'époque où les magasins tenus par des propriétaires de la minorité chinoise ont été pris pour cible: "Des voitures ont été brûlées, des motocyclettes renversées. C'était tellement effrayant", a raconté récemment Mme Puspita à son restaurant à Glodok, connu comme le quartier chinois de Jakarta.

Subianto, un préposé au stationnement de 67 ans qui a travaillé dans le quartier chinois pendant un demi siècle, raconte avoir été choqué de voir des zones entières de la ville sous les flammes.

"Il n'y avait ni policiers ni soldats. Des gens pillaient partout. Des camions arrivaient pour voler des marchandises", dit-il.

La non-intervention des forces de l'ordre avait fait naître un soupçon -- toujours d'actualité -- d'implication de l'armée dans ces événements.

Des bâtiments du quartier chinois de Jakarta portent encore les stigmates de ces événements.

Les efforts entrepris pour contraindre les responsables du gouvernement et de l'armée de l'époque à rendre des comptes n'ont jusqu'ici jamais abouti.

Mais, pour Mme Widodo, qui circule sur sa motocyclette avec le message "Mon fils a été tué par l'armée", le combat n'est pas terminé.

"Pour ce pays, c'est égal mais pas pour moi. Je vais continuer à battre tant que je serai en vie", dit cette femme de 67 ans.

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