La construction frénétique de barrages met en péril le fragile Laos

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Par AFP - Attapeu
Publié le 26 juillet 2018 - 11:07
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Un homme marche sur une route inondée à Sanamxai, dans la province d'Attapeu, après l'effondrement d'un barrage, le 26 juillet 2018 au Laos
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© NHAC NGUYEN / AFP
Un homme marche sur une route inondée à Sanamxai, dans la province d'Attapeu, après l'effondrement d'un barrage, le 26 juillet 2018 au Laos
© NHAC NGUYEN / AFP

Le Laos, où au moins 130 personnes sont portées disparues après l'effondrement d'un barrage, ambitionne de devenir "la pile d'Asie-du Sud-Est": des dizaines d'ouvrages hydroélectriques sont en construction, afin d'alimenter la croissance économique des pays voisins, avides d'énergie.

La catastrophe qui s'est produite lundi dans le sud du pays "était prévisible", estime Olivier Evrard, spécialiste du Laos joint par l'AFP.

La rupture d'un barrage a libéré 500 millions de tonnes d'eau, provoquant de graves inondations qui atteignent désormais le Cambodge voisin.

"Le nombre d'ouvrages est totalement disproportionné par rapport aux capacités de contrôle du pays. Les autorités de supervision, n'ayant pas les qualifications et les connaissances nécessaires, s'en remettent aux puissantes entreprises étrangères qui construisent ces structures", relève-t-il.

Plus de 50 projets, financés principalement par le voisin chinois, sont en cours de réalisation, d'après l’association internationale Hydropower (IHA). Et une quarantaine de centrales hydroélectriques sont déjà en activité.

L'Etat, montagneux et enclavé, dont 97% du territoire recouvre le bassin du Mékong, dispose d'un remarquable potentiel hydroélectrique.

Et pour ce pays très pauvre, les barrages sont la promesse de revenus à venir, alors que les exportations de bois et la production des mines d'or et de cuivre baissent continuellement depuis plusieurs années.

- 'Jusqu'à 40%' de poissons en moins -

Mais les ouvrages hydroélectriques laotiens "posent plusieurs problèmes d’ordre environnementaux, économiques, sociaux et politiques", soulignait déjà en 2013 un rapport en France de l’Ecole normale supérieure (ENS).

Ils "dégradent les écosystèmes fluviaux", "font chuter la diversité et la quantité des poissons", ce qui a des conséquences sur la productivité des pêcheries du Mékong, réputées comme les plus importantes en eau douce du monde, d'après ce rapport.

Un autre document, publié en avril 2018 par la Commission du Mékong, estime que les stocks de poissons pourraient chuter "jusqu'à 40%" dans le bassin du Mékong à cause des multiples projets hydroélectriques.

Autre problème, l'énergie produite ne bénéficie pas financièrement aux populations locales à qui, contrairement à d'autres pays où une partie des revenus dégagés est reversée aux habitants, aucune contrepartie n'est accordée.

Souvent déplacées pour laisser place aux barrages, elles profitent peu de cette nouvelle électricité, la majeure partie étant exportée notamment vers la Chine et surtout la Thaïlande, où les gigantesques centres commerciaux de Bangkok consomment à eux seuls d'énormes quantités d'énergie.

Au total, 90% de l'électricité produite par le barrage qui s'est effondré lundi devait ainsi être exporté vers le royaume et 10% seulement redistribué localement.

Les faibles quantités d'électricité qui restent au Laos pourraient en partie suffire à alimenter ce petit pays d'à peine sept millions d'habitants.

Mais le réseau électrique, surtout dans les zones rurales, n'est pas assez développé.

Les recettes dégagées par le Laos ne semblent pas non plus pour le moment à la hauteur de l'ambitieuse politique du pays.

De nombreux contrats stipulent que les centrales, exploitées en très grande majorité par des entreprises étrangères, seront cédées au gouvernement communiste laotien dans 20 ou 30 ans, relève Keith Barney, professeur à l'Université nationale australienne.

"Les redevances réelles et les recettes budgétaires - qui sont opaques dans ce pays très fermé - n'ont pas été si lucratives jusqu'à présent", souligne-t-il à l'AFP.

L'ambitieuse politique laotienne inquiète les pays voisins.

Le gigantesque projet de barrage de Xayaburi sur le Mékong est ainsi la source de vives tensions avec le Cambodge et le Vietnam, situés en aval, qui craignent d’en subir les conséquences.

Construit par le groupe thaïlandais CH Karnchang, son coût est évalué à 3,8 milliards de dollars (3,2 milliards d’euros) pour une puissance de 1.285 mégawatts.

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