La double peine des handicapés dans le Soudan du Sud en guerre

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Par Stefanie GLINSKY - Juba (AFP)
Publié le 30 mai 2018 - 08:45
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Nyamet Steven, atteinte de paralysie cérébrale, se déplace avec un déambulateur dans le camp de Mahad, à Juba, au Soudan du Sud, le 17 avril 2018
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© Stefanie Glinski / AFP
Nyamet Steven, atteinte de paralysie cérébrale, se déplace avec un déambulateur dans le camp de Mahad, à Juba, au Soudan du Sud, le 17 avril 2018
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Au Soudan du Sud, ravagé depuis quatre ans et demi par la guerre civile et sa litanie d'atrocités, les handicapés font figure de parias, stigmatisés par le reste de la population et laissés à la seule affection de leur parents.

Nyamet, atteinte de paralysie cérébrale, avait sept ans lorsque des soldats ont attaqué la localité où elle habitait, provoquant un mouvement de fuite d'habitants laissant derrière eux vieillards, infirmes et aveugles, à la merci des assaillants.

Et la soldatesque fut sans merci: "Ils les ont tués", explique à l'AFP Nyayom, la mère de Nyamet, qui avait réussi à transporter dans ses bras et sauver sa fille désormais âgée de 11 ans.

La famille survit à présent à Juba, la capitale, dans un camp aussi congestionné que sordide, où s'entassent 7.000 des plus de quatre millions de Sud-Soudanais déracinés par la guerre.

Nyamet y passe le plus clair de ses journées allongée sur une natte à l'extérieur du "foyer familial", un abri en tôle ondulée.

"Parfois je joue sous le manguier, mais la plupart du temps je ne fais rien", témoigne Nyamet à l'AFP.

Le nombre de handicapés est estimé à 250.000 au Soudan du Sud - dont 200 vivent comme Nyamet dans le camp de Mahad - et nombre d'entre eux sont frappés d'ostracisme et complètement ignorés des autorités.

"Si elle allait à l'école, les enfants se moqueraient d'elle et la harcèleraient. C'est pourquoi je préfère qu'elle reste à la maison", explique la mère de Nyamet.

"Tout ça est difficile. Je ne peux même pas m'éloigner du camp ou trouver un travail. Je dois prendre soin de ma fille en permanence", ajoute-t-elle.

- 'Les plus marginalisés' -

Seme Lado, de l'Union des personnes handicapées physiques, le confirme: la situation de Nyamet n'a rien d'inhabituel. "Les handicapés n'ont pas de soutiens et ils sont souvent abandonnés par leur famille. Il y a un manque cruel de sensibilisation et personne ne sait comment s'occuper d'eux".

Selon l'Organisation mondiale de la Santé, environ 15% de la population mondiale vit avec une certaine forme de handicap. Il n'existe pas de données fiables sur le sujet au Soudan du Sud, mais la poliomyélite y était encore prévalente il y a 10 ans et la guerre est une machine à produire des infirmes ou des malades mentaux.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) estime à environ 50.000 le nombre d'amputés dans ce pays, qui a plongé dans la guerre civile moins de trois ans après son accession à l'indépendance du Soudan.

"Les handicapés sont les personnes les plus marginalisées", explique Sophia Mohammed, de l'ONG spécialisée dans le handicap Light for the World.

Dans les camps de déplacés tels que Mahad, le simple fait d'emprunter les chemins défoncés et boueux pour se rendre aux toilettes - des latrines à fosse rudimentaires - est une épreuve en soi pour les handicapés.

Grâce à l'organisation de Mme Mohammed, Nyamet dispose désormais d'un déambulateur et de toilettes équipées de barres d'appui, modeste amélioration de son quotidien.

Le Soudan du Sud a bien adopté une loi en faveur des handicapés en 2015 mais le pays, à l'économie exsangue et dont les maigres ressources sont englouties dans les dépenses militaires, ne consacre que 3% de son budget à la santé.

"Les attitudes dans la société doivent changer", estime Kelly Thayer de l'ONG Handicap International. "De nombreux invalides sont encore appelés par leur handicap plutôt que par leur nom."

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