La reprise des négociations américano-talibanes suscite espoir et craintes

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Par David STOUT - Kaboul (AFP)
Publié le 24 février 2019 - 07:45
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Des agents de sécurité privés inspectent le site d'un attentat au camion piégé survenu la veille, à Kaboul le 15 janvier 2019
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© WAKIL KOHSAR / AFP/Archives
Des agents de sécurité privés inspectent le site d'un attentat au camion piégé survenu la veille, à Kaboul le 15 janvier 2019
© WAKIL KOHSAR / AFP/Archives

Les Etats-Unis et les talibans reprendront lundi au Qatar leurs négociations visant à mettre un terme à la guerre en Afghanistan, suscitant espoirs et craintes quant à la teneur d'un futur compromis et alors que se profile déjà une nouvelle saison de combats.

Peu de détails ont filtré à ce stade sur la durée ou l'ordre du jour de ce nouveau round de pourparlers qui mettra face-à-face l'envoyé américain Zalmay Khalilzad et une équipe de négociateurs talibans élargie, menée par Sher Mohammad Abbas Stanikzai, ex-vice-ministre des Affaires étrangères sous le régime taliban.

Fin janvier déjà, six jours consécutifs de discussions avaient été salués comme l'avancée la plus importante jamais réalisée depuis l'intervention américaine de 2001.

Les deux parties avaient quitté la table de négociation avec une "ébauche d'accord" centrée sur une promesse des talibans d'empêcher que l'Afghanistan ne serve de base arrière à des attaques terroristes contre des nations étrangères, mais sans calendrier de retrait des troupes américaines ni de cessez-le-feu.

Les négociateurs américains sont sous la pression de leur président Donald Trump qui a promis de mettre un terme aux "guerres éternelles" des Etats-Unis. La prochaine arrivée du printemps, synonyme de probable reprise des combats dans le pays, est aussi dans tous les esprits.

Après quarante ans de conflit depuis l'invasion soviétique en 1979, les attentes de paix sont immenses parmi la population afghane qui paie encore aujourd'hui un lourd tribut à la guerre.

Selon un rapport de l'ONU publié dimanche, l'année 2018 a été la plus meurtrière jamais enregistrée pour les civils avec 3.804 décès en grande majorité imputés aux groupes insurgés des talibans et de l'Etat islamique, soit une augmentation de 11% par rapport à 2017.

Encore récemment, des manifestations pour réclamer un arrêt des combats se sont tenues près des bastions insurgés tandis que les représentants talibans ont mené pour la première fois face caméra des discussions à Moscou avec des membres de l'opposition au gouvernement de Kaboul.

Une Jirga - un rassemblement de sages des tribus afghanes - doit se réunir mi-mars à Kaboul pour préparer l'équipe de négociation à discuter frontalement avec les talibans.

Jusqu'ici, le groupe insurgé a toujours refusé de s'entretenir avec le gouvernement du président Ashraf Ghani malgré ses offres répétées de dialogue.

"Les yeux sont tournés vers les talibans pour voir s'ils sont capables de faire des compromis" et s'ouvrir à un dialogue intra-afghan "qui implique le gouvernement actuel", estime l'analyste Michael Semple, spécialiste de la crise afghane.

Zalmay Khalilzad, qui multiplie depuis des mois les rencontres avec les puissances régionales, "a fait bouger le processus de paix comme personne ne l'avait fait au cours des deux dernières décennies", a ajouté M. Semple.

De son côté, la société civile afghane, particulièrement les défenseurs des droits des femmes, craignent qu'un retrait rapide des troupes de la coalition internationale ou un accord conclu hâtivement avec les talibans n'ouvre la voie au retour de leur régime répressif ou à une guerre civile encore plus meurtrière.

- "Déterminés" -

Selon les analystes, cette nouvelle série de pourparlers verra probablement les talibans faire pression en faveur du retrait de leurs dirigeants de la liste noire des Nations unies, ainsi que des injonctions américaines à discuter directement avec le gouvernement de Kaboul.

Cette réunion de Doha survient alors que la région est traversée de vives tensions, l'Iran et l'Inde accusant le Pakistan voisin de soutenir des groupes islamistes radicaux qui ont perpétré des attaques meurtrières sur leur sol ces dernières semaines.

Le Pakistan a rejeté ces accusations et laissé entendre que d'éventuelles représailles de l'Inde pourraient perturber les pourparlers de paix sur l'Afghanistan, dans lequel il joue un rôle important via ses liens avec les talibans.

Mais l'expert Rahimullah Yusufzai relativise ce risque, estimant qu'Islamabad semble avoir perdu sa capacité à influencer les insurgés.

"Les talibans et les Etats-Unis semblent plus déterminés que jamais à mener des pourparlers de paix", dit-il. "Je pense que le rôle du Pakistan ne sera plus aussi important désormais".

Graeme Smith, de l'International Crisis Group, estime que "les deux parties s'engagent dans ce processus avec un esprit ouvert et un sentiment d'urgence à mesure que le printemps approche et que la saison des combats se rapproche".

M. Yusufzai craint également que la fonte des neiges n'annonce une recrudescence d'actions des talibans afin d'exercer sur le champ de bataille un maximum de pression à la table des négociations.

"Je pense qu'ils maintiendront leur dynamique jusqu'à un cessez-le-feu", estime-t-il.

Mais le retour de combats intenses avec leur cortège de morts pourrait miner les fragiles gains obtenus jusqu'ici.

"Il sera plus difficile de poursuivre la paix dans les mois à venir si les talibans (...) recourent à une offensive de printemps à grande échelle", estime M. Semple.

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