La Turquie s'enracine et étend son influence dans le nord syrien

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Par Nazeer Al-Khatib - Azaz (Syrie) (AFP)
Publié le 29 octobre 2018 - 10:51
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Un garçon marche le long d'une rue dans la ville d'Azaz, dans le nord de la Syrie, près de la frontière turque, le 16 octobre 2018
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© Nazeer AL-KHATIB / AFP
Un garçon marche le long d'une rue dans la ville d'Azaz, dans le nord de la Syrie, près de la frontière turque, le 16 octobre 2018
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"La fraternité n'a pas de limites". La phrase est soigneusement peinte en arabe et en turc sur un mur de la ville d'Azaz, située au cœur du protectorat de facto de la Turquie dans le nord de la Syrie.

Enseignement du turc dans les écoles, implantation de l'opérateur mobile Turk Telekom... Le rôle d'Ankara dans cette région sous contrôle rebelle ne cesse de s'étendre.

"Tout ici vient de chez nos frères turcs", explique Mohammad Hamdan Keno, président du conseil local d'Azaz, à la frontière avec la Turquie.

Dans son bureau, le drapeau de la révolte syrienne avec ses trois étoiles côtoie celui de la Turquie, frappé d'une étoile et d'un croissant blancs.

Ankara a commencé à fournir un soutien humanitaire, politique et militaire à l'opposition syrienne peu après le début des manifestations anti-régime en 2011.

Mais son influence s'est amplifiée à partir de 2016 à la faveur d'une opération militaire conjointe menée par ses troupes et leurs supplétifs syriens contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) d'une part, et les combattants kurdes, d'autre part.

Ensemble, ils ont délogé les jihadistes des villes de Jarablos et d'Al-Rai, avant de conquérir cette année l'enclave kurde adjacente d'Afrine.

- "Garantie pour nos enfants" -

La Turquie a maintenu des soldats et membres des services de renseignement dans la région, et continue de soutenir la police locale.

Des institutions étatiques et sociétés privées turques s'y sont également installées.

A Jarablos, le principal hôpital, désormais géré par une direction turque, arbore des portraits du président Recep Tayyip Erdogan. Et la ville est éclairée par un réseau électrique installé par Ankara.

Un projet similaire, encore embryonnaire, est en cours d'exécution à Azaz par AK Energy, une société privée turque. D'un coût de trois millions de dollars, il a déjà permis de raccorder au réseau plusieurs quartiers de la ville, affirme M. Keno.

Selon lui, la Turquie a par ailleurs aidé le conseil de la ville à paver des routes, rénover des mosquées et réhabiliter des salles d'écoles endommagées par les combats.

"Ils ont fourni des bureaux, des livres, des cartables, des ordinateurs et des imprimantes", énumère le responsable local.

En guise de reconnaissance, le conseil de la ville a introduit l'enseignement de la langue turque dans le cursus scolaire destiné aux 18.000 élèves d'Azaz et de ses environs.

"Nous avions auparavant deux langues étrangères dans notre programme: l'anglais et le français", mais il a récemment été décidé de "remplacer le français par le turc", indique M. Keno.

Il s'agit d'une "garantie pour l'avenir de nos enfants", d'autant que "la Turquie est désormais l'Etat parrain".

Illustrant le phénomène, la plupart des panneaux dans les rues sont bilingues, et les résidents ont de plus en plus recours à des puces téléphoniques turques.

"La demande est soutenue", se félicite le représentant de Turk Telekom, Ahmad Hadbeh. "Nous avons érigé des tours (de télécommunications) à Al-Bab, Azaz et Jarablos".

- "Sorte de mandat" -

Pour Ahmet Yayla, professeur à l'université DeSales aux Etats-Unis, la Turquie table sur le long terme.

"Toutes les administrations de ces villes sont dirigées par la Turquie. C'est une sorte de mandat", dit-il à l'AFP. "Ces zones ne feront pas officiellement partie de la Turquie", mais Ankara y "règnera de facto".

Sur le plan commercial, cette tutelle se traduit par des échanges accrus avec la Turquie.

Le principal centre commercial à Azaz regorge de produits turcs: sucreries, riz, vêtements et produits ménagers.

Salim Horani y vend du tissu, des chaussures et des équipements industriels importés de l'autre côté de la frontière.

"Les produits en Turquie sont beaucoup plus abordables" que ceux venant de l'intérieur de la Syrie, assure-t-il.

Certains Syriens de la région se font même livrer leurs vêtements et autres produits par le biais du service postal national turc (PTT), qui a récemment ouvert une succursale à Azaz.

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