L'armée américaine déroule des kilomètres de barbelés à la frontière mexicaine

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Par Thomas WATKINS - Laredo (Etats-Unis) (AFP)
Publié le 20 novembre 2018 - 12:01
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Des soldats de la 19e infanterie, basée dans le Kentucky, installent des fils barbelés au bord du fleuve Rio Grande, à la frontière avec le Mexique, à Larado, au Texas, le 18 novembre 2018
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© Thomas WATKINS / AFP/Archives
Des soldats de la 19e infanterie, basée dans le Kentucky, installent des fils barbelés au bord du fleuve Rio Grande, à la frontière avec le Mexique, à Larado, au Texas, le 18 novem
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Dans la brise matinale, les soldats américains déroulent rapidement des bobines et des bobines de fils barbelés, les attachant à des pics verts enfoncés au sol: cette clôture vient renforcer la barrière naturelle du fleuve Rio Grande, qui sépare les terres mexicaines du Texas.

En trois jours, une barrière luisante, à hauteur d'épaule, a été posée sur terre à Laredo, dans cet État du sud des États-Unis. Un serpent de barbelés à perte de vue.

Pour accomplir cette tâche quelque peu ingrate, une centaine de soldats américains du 19e bataillon d'infanterie ont parcouru près de 2.000 kilomètres depuis Fort Knox dans le Kentucky.

Loin des terrains de combat, ces militaires sont déployés dans cette ville frontalière du Mexique de 260.000 habitants pour répondre à l'injonction controversée du président américain.

Dans le cadre de sa politique de lutte contre l'immigration illégale, Donald Trump a exigé plus tôt ce mois-ci le déploiement de quelque 5.800 soldats à la frontière, en amont de l'arrivée d'importants groupes de migrants venus d'Amérique centrale. Pour ses détracteurs, cette décision n'avait pour objectif que de galvaniser sa base à quelques jours des élections de mi-mandat.

"Une urgence nationale", "une invasion": c'est ainsi que le président américain dépeignait l'arrivée de ces migrants fuyant souvent la violence.

L'aspect le plus concret de ce déploiement des troupes jusqu'ici est donc cette clôture, obstacle physique dressé contre l'arrivée de migrants tentant de traverser clandestinement la frontière, pour les pousser à entrer par les différents points d'entrée régulière aux Etats-Unis.

- Habitants avec des gâteaux -

Pendant le weekend, le peloton du lieutenant Alan Koepnick a travaillé méthodiquement. Non loin des familles promenant leurs chiens, les soldats montaient le grillage, déchirant parfois leur uniforme camouflage.

Le lieutenant reconnaît que certains résidents ont exprimé leur inquiétude quant à cette clôture et à la présence des troupes.

"Mais il y a aussi beaucoup de soutien, les gens viennent, des anciens combattants nous serrent la main, nous apportent des gâteaux, de l'eau", précise-t-il à l'AFP.

A moins de 100 mètres derrière lui, de l'autre côté de la rive, au Mexique, on aperçoit un groupe de personnes.

"Vous voyez des gens de l'autre côté du fleuve nous lancer des jurons en espagnol, nous jeter des bouteilles. Mais de ce côté-là, c'est plus favorable."

L'armée n'est généralement pas autorisée à mener des opérations de maintien de l'ordre public sur le territoire national. Les soldats déployés à Laredo n'auront donc aucune interaction directe avec les migrants.

Depuis le 6 novembre, une fois les élections passées, Donald Trump a par ailleurs beaucoup moins mentionné les "caravanes" de migrants.

Néanmoins, le 45e président des Etats-Unis a publié lundi une photo sur Twitter pour se féliciter de la présence des fils barbelés installés en renfort du mur qui existe dans certains endroits à la frontière mexicaine.

"Les Fake News ne montrent que de vieilles images de gens grimpant par-dessus la barrière dans l'océan. Voici à quoi ça ressemble vraiment - plus de grimpeurs sous notre Gouvernement", a-t-il écrit sur Twitter.

- Pas de combats -

La mission à la frontière a mis l'armée, censée être neutre politiquement, dans une position inconfortable.

En rendant visite aux troupes à la frontière la semaine dernière, le ministre de la défense, Jim Mattis a maintenu que leur mission à court terme était d'assister les agents du service des douanes et de la protection des frontières (CBP) et d'ériger des obstacles physiques.

Mais "à long terme, cela reste encore à déterminer", a-t-il estimé.

Plusieurs soldats ont dit à l'AFP que ce temps passé à la frontière apportait un entraînement concret utile, les risques du combat en moins. Depuis la publication dans les médias américains de témoignages de soldats défavorables à cette mission, les militaires ont reçu des instructions strictes de ne pas donner leur opinion personnelle à la presse.

A Laredo, il n'y a pas eu d'arrivée de "caravanes" de migrants.

Ils se rendent plutôt à Tijuana, ville-frontière avec la cité californienne de San Diego, à plus de 2.000 kilomètres de là. Les autorités estiment que plus de 3.000 personnes sont déjà arrivées.

Un agent du CBP, qui n'était pas autorisé à divulguer son identité, s'estime toutefois heureux de la présence militaire, alors que chaque jour des "centaines" de migrants tentent de traverser la quarantaine de kilomètres de frontière qu'il garde.

Le déploiement de l'armée doit prendre fin le 15 décembre et l'avenir de la clôture installée n'est pas clair. "Personne ne sait quand elle sera retirée. Ce n'est pas vraiment de notre ressort", explique M. Koepnick.

"Si on nous demande de l'enlever, nous le ferons avec le sourire, comme de bons soldats."

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