Allemagne : le chef du renseignement, contesté, reste soutenu par son ministre

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Par David COURBET - Berlin (AFP)
Publié le 12 septembre 2018 - 14:17
Mis à jour le 13 septembre 2018 - 00:28
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Le patron du renseignement intérieur allemand Hans-Georg Maassen à Berlin, le 11 septembre 2018
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© HANNIBAL HANSCHKE / POOL/AFP
Le patron du renseignement intérieur allemand Hans-Georg Maassen à Berlin, le 11 septembre 2018
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En s'affranchissant de la discrétion attendue des espions avec une charge publique contre la chancelière Angela Merkel, le patron du renseignement intérieur allemand Hans-Georg Maassen est empêtré dans la controverse, même si son ministre continue de le soutenir.

Mercredi soir, il a dû s'expliquer à huis clos devant deux commissions de la chambre des députés sur ses propos en lien avec les récentes manifestations racistes. Egalement auditionné, le ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer (CSU), en désaccord ces derniers mois avec Angela Merkel sur sa politique migratoire, lui a renouvelé sa confiance, ne voyant "pas de raison", selon des participants, pour qu'il démissionne.

La CDU d'Angela Merkel a elle aussi appelé dans la soirée à tourner la page de ces polémiques, la gauche, dont le SPD, membre de la coalition, maintenant ses réserves.

Le 7 septembre, alors que l'Allemagne s'indignait des violences perpétrées par l'extrême droite en marge de rassemblements à Chemnitz après le meurtre présumé d'un Allemand par deux migrants fin août, Hans-Georg Maassen avait démenti dans la presse l'existence de "chasses collectives" contre les étrangers, contredisant ainsi publiquement la chancelière Merkel.

Cette attaque très inhabituelle intervenait alors que la dirigeante allemande est en conflit ouvert avec le supérieur de M. Maassen, le très conservateur et encombrant M. Seehofer.

M. Maassen, 55 ans, est d'autant plus critiqué qu'il a aussi remis en cause l'authenticité d'une vidéo illustrant les dérives racistes de manifestants. Celle-ci s'est avérée bien réelle.

Accusé dès lors de faire le jeu de l'extrême droite, il a dû remettre lundi à la chancellerie et au ministre de l'Intérieur un rapport étayant ses propos.

- Contacts avec l'AfD -

Le chef de l'Office fédéral de protection de la Constitution (BfV) y rétropédale prudemment, plaidant le malentendu sur l'authenticité de la vidéo, mais maintenant sa critique à l'égard de Mme Merkel en jugeant qu'il n'aurait pas dû être question de "chasses collectives".

Dans son rapport, consulté par l'agence dpa, M. Maassen explique s'être exprimé par "inquiétude" face à une possible "campagne de désinformation". De quoi réjouir les élus antimigrants et antiMerkel du parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) qui connaît un essor historique.

"Toutes les accusations dont il est l'objet sont politiquement motivées", a assuré mardi Alexander Gauland, le chef de la formation d'extrême droite.

Un soutien pour le moins encombrant pour M. Maassen, déjà soupçonné d'accointances avec la droite dure.

Dans un livre paru début août, une ancienne militante de l'AfD, Franziska Schreiber, l'accuse d'avoir à plusieurs reprises rencontré des dirigeants du parti, leur prodiguant des conseils pour éviter d'être placé sous la surveillance de son service de renseignement.

M. Gauland a confirmé mardi des discussions avec M. Maassen "sur des questions de sécurité".

Ces éléments viennent troubler plus encore l'image d'une institution habituée aux controverses à la tête de laquelle M. Maassen avait été nommé en 2012 pour remettre de l'ordre. Plus d'un allemand sur deux (58%) a peu ou pas confiance dans cette institution, selon un sondage Civey publié mercredi.

Son prédécesseur à la tête de l'Office de protection de la Constitution avait dû quitter son poste après que l'institution se fut retrouvée accusée d'avoir détruit des documents confidentiels concernant la cellule terroriste néo-nazie NSU, responsable d'une dizaine de meurtres dans les années 2000.

- "Confiance entamée" -

M. Maassen n'en est pas non plus à son premier scandale. Il avait notamment été critiqué pour avoir publiquement laissé entendre que le lanceur d'alerte Edward Snowden était un "agent russe".

Chargé aussi de la lutte contre les réseaux jihadistes, il s'est illustré par des propos alarmant sur l'ampleur de la menace terroriste.

Mais parallèlement, lui et ses services sont soupçonnés d'avoir camouflé leurs errements en amont de l'attentat du marché de Noël berlinois de 2016, lorsque le Tunisien Anis Amri, demandeur d'asile débouté, avait propulsé son camion dans la foule, tuant 12 personnes.

Selon plusieurs médias et des élus, M. Maassen a menti en assurant que ses services n'avaient pas d'informateurs dans l’entourage d'Amri.

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