Le débat sur l'avortement relancé au Parlement polonais

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Par Bernard OSSER - Varsovie (AFP)
Publié le 11 janvier 2018 - 03:25
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L'avortement pourrait être presque totalement interdit en Pologne au terme d'un débat entamé mercredi par les députés, plus d'un an après "la protestation noire" des femmes contre une précédente tentative dans ce pays catholique où l'IVG est déjà fortement limitée.

Le Parlement polonais, dominé par les conservateurs nationalistes de Droit et Justice (PiS) a décidé dans la soirée d'envoyer en commission une législation durcissant les conditions pour autoriser un avortement en Pologne.

Un deuxieme projet d'initiative citoyenne, libéralisant l'IVG, a lui été rejeté après un débat houleux de quelques heures.

Le texte envoyé en commission, déposé fin novembre par le Comité Stop Avortement, doit interdire "l'avortement eugénique", celui décidé en raison d'une malformation du fœtus constatée grâce à un examen prénatal.

Ce genre de problème est à l'origine de 1.046 avortements, soit 96% des IVG pratiquées légalement en Pologne en 2016, selon Kaja Godek, une responsable de Stop Avortement.

"Le projet, très bref, prévoit d'enlever de la loi en vigueur la possibilité de tuer les enfants handicapés ou risquant de l'être", a expliqué Mme Godek à l'AFP.

Si cet amendement à la loi actuelle - fruit d'un compromis laborieusement atteint en 1993 - est voté, l'IVG ne sera plus autorisée que dans deux cas: risque pour la vie ou la santé de la mère et grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste.

"Il existe un grand consensus en Pologne quant à l'interdiction de tuer les enfants handicapés. En deux mois, la proposition a été signée par un nombre record de 830.000 personnes", assure Mme Godek.

Le président Andrzej Duda, proche de l'Église catholique, s'est engagé en novembre à promulguer la loi une fois adoptée.

- 'Avortement eugénique' -

"Je signerai la loi interdisant l'avortement eugénique, avant tout pour supprimer le droit de tuer des enfants atteints du syndrome de Down" (trisomie 21), avait déclaré le chef de l'État.

La proposition est moins restrictive que celle qui avait provoqué en 2016 de grandes manifestations de femmes vêtues de noir dans plusieurs villes de Pologne et avait finalement été rejetée par le Parlement.

Ce texte prévoyait des peines allant jusqu'à cinq ans de prison pour les médecins et autres personnes participant à l'IVG, y compris pour les patientes elles-mêmes, mais autorisait le juge à renoncer à punir ces dernières.

Plus de cent personnes, adversaires du durcissement de la législation et défenseurs du libre accès à l'IVG, vêtues de noir, ont manifesté devant le parlement polonais pour "défendre les droits de l'Homme et les droits des femmes", a constaté un journaliste de l'AFP.

"Je réfléchis très sérieusement à émigrer. J'aime beaucoup mon pays, mais le climat politique change tellement que je n'imagine pas faire naître et élever mes enfants ici", a dit une femme de 32 ans, Kamila Radecka.

En face, une quinzaine de manifestants pro-vie ont installé un grand écran projetant des images de corps de bébés ensanglantés et un grand haut-parleur diffusant des cris d'enfants. "L'avortement est le meurtre d'un enfant innocent", a lancé un des militants, Maciej Wiewiorka.

- 'Une Pologne européenne' -

La proposition libérale rejetée prévoyait la libéralisation de l'IVG jusqu'à la 12e semaine de grossesse pour des raisons psychologiques et sociales, ainsi que l'introduction de l'éducation sexuelle dans les écoles et un accès libre à "la pilule du lendemain".

"Souvenez-vous de la vague de protestations qu'un projet ultérieur avait déclenché en 2017", a mis en garde les députés Barbara Nowacka en défendant son projet libéral baptisé "Sauvons les femmes 2017".

"Les droits de la femme ont été sévèrement limités depuis plus d'un an, on a limité l'accès à la contraception, aux droits reproductifs", a-t-elle déclaré.

"Nous voulons une Pologne normale, européenne".

Depuis leur arrivée au pouvoir il y a deux ans, les conservateurs ont introduit plusieurs mesures alignées sur les vues de la puissante Église catholique.

Le gouvernement PiS a notamment mis fin dès mi-2016 au programme de financement de la fécondation in vitro par l'État. En mai 2017, il a limité l'accès à "la pilule du lendemain", désormais accessible uniquement sur prescription médicale.

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