Le Kosovo va avoir son armée au grand dam de Belgrade

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Par Ismet HAJDARI avec Nicolas GAUDICHET à Belgrade - Pristina (AFP)
Publié le 13 décembre 2018 - 07:45
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Un soldat de la mission de l'Otan au Kosovo (KFOR) patrouille près du village de Rudare au Kosovo le 23 novembre 2018.
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© Armend NIMANI / AFP
Un soldat de la mission de l'Otan au Kosovo (KFOR) patrouille près du village de Rudare au Kosovo le 23 novembre 2018.
© Armend NIMANI / AFP

Le parlement du Kosovo vote vendredi la création d'une armée, attribut de la souveraineté revendiquée par Pristina, mais motif supplémentaire de tensions avec la Serbie qui ne reconnaît pas l'indépendance de son ex-province.

C'est autant de politique que de défense qu'il s'agit. Selon les analystes kosovars, près d'une décennie devrait s'écouler jusqu'à l'établissement effectif de cette armée, chargée d'assurer l'intégrité d'un territoire protégé par la Kfor, une force internationale menée par l'Otan depuis la guerre de 1998-99 (plus de 13.000 morts).

Aujourd'hui, à côté de la police, les 2.500 membres des forces de sécurité du Kosovo (KSF), sont surtout chargés de missions de sécurité civile.

Le budget de quelque 57 millions d'euros prévus en 2019 pour entamer la préparation de cette armée et les 5.000 soldats (plus 3.000 réservistes) qu'elles compteront au final, n'en feront pas une force comparable à l'armée serbe, avec ses quelque 30.000 militaires, ses blindés et ses avions de chasse.

Mais sa création intervient dans une atmosphère exécrable, illustrée par l'instauration en novembre par le Kosovo d'une barrière douanière sur les importations serbes.

Le dialogue est au point mort et chaque crise donne lieu à une escalade verbale. En préalable à toute normalisation, Pristina exige une reconnaissance de son indépendance proclamée en 2008, alors que la Serbie inscrit dans sa constitution sa tutelle sur son ancienne province majoritairement peuplée d'Albanais.

- "Chasser le peuple serbe" -

Derrière les droits de douane et la création d'une armée, le président serbe Aleksandar Vucic décèle une volonté "de chasser le peuple serbe du Kosovo". Quelque 120.000 Serbes y vivent toujours.

Sa Première ministre Ana Brnabic a espéré que la Serbie n'ait "jamais à utiliser (son) armée" mais prévenu qu'il s'agissait d'"une des options sur la table". La télévision nationale RTS a annoncé jeudi soir qu'Aleksandar Vucic allait se rendre dans les prochains jours dans des unités de l'armée du sud du pays, proches du Kosovo.

Les tabloïds serbes pro-pouvoir y sont allés de leur rhétorique, prédisant en une que "la guerre commence le 15 décembre", au lendemain du vote, ou le 31 selon un autre.

Des mouvements de troupes de la Kfor dans le nord du Kosovo jeudi ne sont pas passés inaperçus de la population dans ce secteur majoritairement serbe, même si l'Otan a évoqué "une activité d'entraînement classique pour se tenir prête à se déployer rapidement dans tout le Kosovo".

Quant au président kosovar Hashim Thaçi, il a revêtu jeudi le treillis pour prononcer un discours devant les KSF.

L'hypothèse d'une escalade militaire n'est toutefois pas jugée "réaliste actuellement" par l'analyste militaire serbe Aleksandar Radic. Un avis partagé au Kosovo. "La Serbie n'oserait jamais envoyer son armée au Kosovo. Un seul soldat américain serait suffisant" pour la repousser, agrée le Premier ministre kosovar Ramush Haradinaj. "Personne n'a besoin d'instabilité" dans les Balkans, a-t-il ajouté, assurant que cette armée n'était pas dirigée contre la Serbie.

- Soutien américain -

L'hostilité serbe s'explique "par des raisons politiques, pas militaires", écrit Augustin Palokaj, éditorialiste du quotidien kosovar Koha Ditore. "Cette armée ne représente une menace pour personne. Mais elle donne un élément de souveraineté au Kosovo, ce qui est inacceptable pour eux", poursuit-il.

L'Otan, dont quatre membres ne reconnaissent pas le Kosovo (Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie), a assuré que la Kfor continuerait d'assurer la stabilité. Mais pour son secrétaire-général Jens Stoltenberg, l'initiative arrive "au mauvais moment" et elle pourrait avoir des "répercussions graves".

Pristina a toutefois reçu le seul soutien public qui lui importe vraiment, celui des États-Unis, dont les drapeaux flottent par dizaines depuis jeudi dans la rue principale de Pristina.

Le patron des KSF, Rrahman Rama, a assuré que la décision de bâtir cette armée avait été prise "en coopération avec nos partenaires" et précisé qu'elle serait équipée par les États-Unis.

Le Kosovo revendique avoir été reconnu par quelque 115 pays. Belgrade assure que douze sont revenus sur cette décision, ce que Pristina conteste.

Jeudi soir, sans établir de lien avec les tensions intercommunautaires, la police kosovar a annoncé avoir trouvé 15 kilogrammes d'explosifs près de Pristina, à proximité d'un monument serbe commémorant la bataille de Kosovo.

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