Le pape François face au déclin de l'Eglise catholique irlandaise

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Par Robin MILLARD - Londres (AFP)
Publié le 23 août 2018 - 08:45
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Le pape François sur la place Saint-Pierre au Vatican, le 12 août 2018
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© FILIPPO MONTEFORTE / AFP/Archives
Le pape François sur la place Saint-Pierre au Vatican, le 12 août 2018
© FILIPPO MONTEFORTE / AFP/Archives

Le pape François devra déployer un luxe d'efforts ce week-end en Irlande pour redonner foi aux Irlandais en leur Eglise, dont l'influence, autrefois si grande, n'a cessé de décliner en raison des scandales de pédophilie et de l'évolution des moeurs.

L'Irlande que le pape va découvrir a profondément changé depuis la dernière visite d'un souverain pontife dans le pays, celle de Jean-Paul II en 1979. A cette époque, l'Eglise catholique d'Irlande y constituait encore un acteur incontournable.

Mais le temps où sa parole avait quasi force de loi est révolu. Faute d'avoir anticipé les mutations socio-économiques du pays, et parce qu'elle s'est arc-boutée sur des positions ultra-conservatrices, l'Eglise irlandaise a vu son influence s'étioler année après année.

Elle paie aussi le prix de sa gestion calamiteuse du scandale des prêtres pédophiles, parfois protégés par des responsables du clergé. Ces agressions, révélées dans les années 2000, auraient concerné sur plusieurs décennies 14.500 enfants.

Signe de l'émancipation de la société irlandaise de la coupe de l'Eglise, le pays a légalisé en 2015 le mariage homosexuel, installé un Premier ministre gay, Leo Varadkar, en 2017, et libéralisé, en mai, l'avortement.

La visite papale devrait donc être pour les Irlandais l'occasion de faire le point sur la place et le rôle de l'Eglise catholique dans leur société.

"Mon espoir, c'est que le pape pousse l'Eglise d'Irlande à changer", a déclaré dimanche l’archevêque de Dublin Diarmuid Martin dans une homélie. "Le pape doit parler franchement de notre passé mais aussi de notre avenir".

Officiellement, le pape vient clore à Dublin la Rencontre mondiale des familles, un rendez-vous qui allie célébrations et tables rondes.

Mais il rencontrera également discrètement des victimes d'abus sexuels, a précisé le Vatican, aux prises avec un nouveau scandale après l'enquête, publiée la semaine dernière, sur des sévices sexuels qu'ont fait subir des membres du clergé à un millier d'enfants aux Etats-Unis.

Au cours des six discours que le pape prononcera, il y aura "beaucoup de possibilités, d'opportunités" pour le pape d'aborder la question des abus, a souligné le Vatican.

- 'Fossé' -

Le point culminant de la visite aura lieu dimanche avec une messe géante au Phoenix Park de Dublin, où quelque 500.000 personnes sont attendues, soit un dixième de la population irlandaise.

Un chiffre certes conséquent mais trois fois inférieur au nombre de personnes qui étaient venues voir Jean-Paul II à Phoenix Park en 1979, dans ce qui avait probablement été le plus grand rassemblement populaire de l'histoire du pays.

Pour le ministre de l'Agriculture, Michael Creed, l'éloignement de l'Eglise des affaires publiques du pays constitue une évolution positive.

Hier, "l'Église contrôlait la politique sociale avec l'aide d'un gouvernement soumis et d'une population craintive", a-t-il souligné. Mais le "sombre chapitre des abus, et leur dissimulation, a creusé un profond fossé entre de nombreux fidèles et l'Église".

"L'histoire récente de l'Église en Irlande a connu des moments obscurs", a reconnu l'archevêque de Dublin. "J'espère que (le pape) parlera avec bonté mais aussi avec fermeté", a ajouté l'ecclésiastique. "Il ne suffit pas de s'excuser. Les structures qui permettent ou facilitent les abus doivent être démantelées, pour toujours".

La visite sera l'objet d'un mouvement d'opposition impensable en 1979.

Des milliers d'internautes irlandais ont appelé sur Facebook à "dire non au pape" en boycottant la messe de Phoenix Park, réservant des centaines de tickets qu'ils comptent ne pas utiliser, en guise de protestation pacifique.

Ils organiseront un événement distinct à Dublin, auquel participera l'association de soutien aux survivants d'abus "One in Four".

"La visite du pape est très pénible pour de nombreux survivants (d'abus). Elle réveille de vieilles émotions: honte, humiliation, désespoir, colère", a déclaré sa directrice, Maeve Lewis. "Le moins qu'ils méritent pendant cette visite papale est un engagement clair que l'Église catholique a l'intention de s'occuper des abus sexuels d'enfants par des ecclésiastiques."

Face à ces attentes, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a affirmé que le pape apporterait un message "d'espérance" et "d'ouverture", tout en estimant qu'en Irlande, l'Eglise a "reconnu ses manquements, ses erreurs, ses péchés" et a pris des mesures, dans un entretien au site Vatican News.

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