Le patron de l'OMC met en garde contre la "paralysie" de l'organisation

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Par Agnès PEDRERO - Genève (AFP)
Publié le 20 février 2018 - 11:36
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Le patron de l'OMC Roberto Azevedo à Buenos Aires en Argentine, le 13 décembre 2017
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© JUAN MABROMATA / AFP/Archives
Le patron de l'OMC Roberto Azevedo à Buenos Aires en Argentine, le 13 décembre 2017
© JUAN MABROMATA / AFP/Archives

Le chef de l'OMC a mis en garde les Etats-Unis, contre la "paralysie" du mécanisme international de règlement des conflits commerciaux à un moment où les frictions commerciales entre Washington et Pékin sont vives.

"Le risque de guerre commerciale est toujours présent", a déclaré le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, Roberto Azevedo, dans un entretien à l'AFP, réalisé cette semaine à Genève.

Après la crise financière de 2007, le risque que des pays adoptent des mesures protectionistes de façon unilatérale était "très élevé", mais cela ne s'est pourtant pas produit, a-t-il fait valoir, soulignant qu'il était nécessaire de "rester vigilant (...) car le risque existe toujours que des mesures unilatérales soient prises et c'est toujours une route très dangereuse".

Cette mise en garde intervient alors que le président américain Donald Trump est accusé par certains pays, dont la Chine, de surfer sur le protectionnisme et l'unilatéralisme.

Depuis son arrivée au pouvoir il y a un peu plus d'un an, Donald Trump a multiplié les sanctions commerciales contre les importations de produits étrangers, notamment chinois.

Les Etats-Unis, qui présentent un important déficit dans leurs échanges avec Pékin et Séoul, ont déjà imposé des sanctions douanières en janvier sur les panneaux solaires chinois et sur les machines à laver sud-coréennes. Le président américain a par ailleurs évoqué la possibilité d'imposer des droits de douane, voire des quotas d'importation dans le domaine de l'acier et de l'aluminium chinois.

Face à ces mesures, la Chine a déjà menacé de faire appel à l'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC.

Mais ces tensions interviennent alors que l'organe d'appel de l'ORD est lui-même menacé... par les Etats-Unis, qui bloquent depuis plusieurs mois la nomination de nouveaux juges, au grand dam du reste de la communauté internationale qui accuse Washington de prendre en otage l'organisation sans faire de proposition.

Pour Roberto Azevedo, cette situation n'est pas sans danger. D'autant que la nomination des juges se fait à l'unanimité.

"Nous leur avons parlé du blocage de la nomination des membres de la cour d'appel (de l'organe de règlement des différends, ORD). Je leur parle constamment à ce sujet", mais "jusqu'à présent ... nous ne sommes pas plus prêt d'une solution qu'auparavant", avoue-t-il.

- Discussion 'franche' avec Trump -

Le règlement des conflits commerciaux est un "système qui a été très efficace" jusqu'à présent, avec plus de 500 disputes traitées et plus de 90% des recommandations déjà mises en oeuvre, selon M. Azevedo.

Composé de sept juges, l'organe d'appel de l'ORD n'en compte actuellement que quatre. Et il faut impérativement trois membres pour examiner chaque cas, sinon l'OMC ne peut plus régler les conflits commerciaux.

Ce "point de non retour", comme l'appellent certains diplomates, pourrait bien être tout proche car le 30 septembre un des quatre juges restants voit son mandat s'achever. Et en décembre 2019, les mandats des deux autres juges prennent également fin.

"Si rien n'est fait et si nous continuons sur cette voie, il y aura clairement une paralysie du système", a averti M. Azevedo, assurant toutefois "ne pas s'attendre à ce que cela arrive".

"Je pense que les membres (de l'OMC) réfléchissent à des solutions alternatives, à ce qui peut être fait, et j'espère qu'il y aura une sorte de mécanisme qui va se mettre en place pour nous permettre de continuer notre travail", a affirmé le Brésilien.

Même s'il a récusé ce qualificatif, Donald Trump est souvent rattaché au courant doctrinaire "isolationniste". Rejetant le multilatéralisme, préférant les accords bilatéraux, l'administration Trump s'était retirée dès son arrivée à la Maison Blanche de l'accord de libre-échange en Asie-Pacifique, le Partenariat transpacifique (TPP), et a maintes fois critiqué le fonctionnement et la légitimité de l'OMC.

A ce sujet, M. Azevedo se montre également optimiste, bien que les Etats-Unis n'aient toujours pas nommé de nouvel ambassadeur à l'OMC. "Il n'y a rien dans mes conversations avec les Etats-Unis qui indique qu'il y a une possibilité que les Etats-Unis quittent l'OMC".

"Ils ont des inquiétudes à plusieurs sujets sur ce qui se passe ici, mais ils m'ont aussi dit que (...) l'organisation est très importante (...) et qu'ils voudraient des réformes", a-t-il dit, assurant que l'"OMC est ouvert à ce type de discussions".

M. Azevedo est d'ailleurs prêt à rencontrer Donald Trump pour "avoir une discussion franche" avec lui.

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