Panne d'électricité : le Venezuela s'enfonce dans le chaos

Auteur:
 
Par Maria Isabel SANCHEZ - Caracas (AFP)
Publié le 08 mars 2019 - 16:49
Mis à jour le 09 mars 2019 - 04:16
Image
Passagers à l'aéroport de Barquisimeto au Venezuela durant une panne d'électricité le 8 mars 2019
Crédits
© Ronaldo SCHEMIDT / AFP
Passagers à l'aéroport de Barquisimeto au Venezuela durant une panne d'électricité le 8 mars 2019
© Ronaldo SCHEMIDT / AFP

Journée de travail et cours suspendus, vols annulés, hôpitaux au ralenti, pillages: le Venezuela est plongé vendredi dans le chaos par une panne géante de courant qui met le gouvernement de Nicolas Maduro sous pression, et le pouvoir dénonce un "sabotage" ourdi par les Etats-Unis.

La journée de travail et les cours ont été suspendus "afin de faciliter la remise en service de (la distribution de) l'électricité dans le pays, victime de la guerre impérialiste sur l'électricité", a écrit sur Twitter la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez.

Frontières fermées, rues désertes, coupures d'eau: depuis jeudi 16h50 (20h50 GMT), le Venezuela est en grande partie paralysé, a constaté l'AFP.

Selon la presse locale, 22 des 23 Etats du pays ainsi que la capitale sont affectés. Le courant est revenu partiellement vendredi après-midi dans certains quartiers de Caracas avant d'être coupé à nouveau.

L'économie du Venezuela, déjà très fragile, est également touchée: les habitants ne peuvent pas retirer d'argent aux distributeurs et les banques sont restées fermées vendredi. Dans ce pays où l'inflation est hors de contrôle, les transactions électroniques - suspendues vendredi - sont indispensables, y compris pour les achats courants comme le pain.

- Morgue paralysée -

Le ministre de la Défense Vladimir Padrino a qualifié cette panne d'"agression délibérée" des Etats-Unis et a annoncé un "déploiement" de l'armée sans plus de détails, lors d'une déclaration sur la télévision d'Etat VTV.

Le gouvernement vénézuélien a annoncé qu'il allait fournir à l'ONU "des preuves" d'une responsabilité des Etats-Unis dans la panne d'électricité géante. Ces informations seront remises à une délégation du Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme qui est attendue dans quelques jours à Caracas, a déclaré le ministre de la Communication, Jorge Rodriguez.

A l'aéroport de Maiquetia, qui dessert Caracas, des dizaines de personnes, dont beaucoup accompagnées de jeunes enfants, attendaient la reprise des vols dans le noir, a constaté l'AFP vendredi après-midi. Deux gros projecteurs dans le hall principal étaient allumés par intermittence.

"On est là depuis hier, sans manger et sans toilettes car elles sont fermées", a déclaré à l'AFP Maria, accompagnée de ses deux enfants de 8 et 13 ans.

Les lignes téléphoniques et internet ont été interrompues, ainsi que la distribution de l'eau dans les immeubles, assurée par des pompes électriques.

Les coupures de courant sont habituelles au Venezuela, voire chroniques dans l'ouest du pays. Mais elles sont plus rares à Caracas, surtout de cette ampleur.

Devant l'hôpital Juan Manuel de los Rios, José Lugo vient de perdre sa nièce à cause de la panne.

"Son fiancé et des amis ont dû la descendre sur la civière par les escaliers. Evidemment, les ascenseurs ne marchaient pas. On l'a placée au rez-de-chaussée (où il y avait du courant grâce aux générateurs, ndlr) et rebranchée, mais entre le transfert et le temps d'attente (...) elle est morte", explique-t-il à l'AFP.

A l'extérieur de la principale morgue de la capitale, également paralysée par le manque de courant, des familles attendent qu'on leur remette la dépouille de leur proche.

"C'est le deuxième jour que j'attends ici", raconte à l'AFP Luis Moises Guerra, 64 ans, dont le fils, Johan Miguel, a été tué par balles il y a trois jours. "Si on ne me le remet par aujourd'hui, je le laisse là et je ne reviens plus. Il pourrira de la même façon qu'au cimetière".

- Manifestation samedi -

De son côté, Juan Guaido, l'opposant autoproclamé président par intérim et reconnu par une cinquantaine de pays, a attribué la panne à l'incurie du gouvernement en place et a de nouveau appelé les Vénézuéliens à défiler samedi.

"Nous devons mettre fin à l'usurpation, c'est pourquoi nous appelons demain à descendre dans la rue", a déclaré le président de l'Assemblée nationale dans une vidéo sur Twitter, pendant une tournée dans les rues de Caracas.

Quelques heures après, M. Guaido a pris de nouveau la parole devant plusieurs centaines de ses partisans sur une place de Caracas. "Venezuela, désormais avec plus de force que jamais, retourne dans les rues de tout le pays ! Nous retournons dans les rues et nous n'en partirons pas !", a-t-il lancé, ovationné par la foule.

M. Guaido a utilisé contre le pouvoir chaviste la colère suscitée par la panne d'électricité. "Pour que la lumière revienne, pour que cesse l'obscurité, nous devons toujours rester fermes, unis et mobilisés", a-t-il dit.

L'origine de la panne n'est pas encore connue. Des experts accusent le gouvernement socialiste de ne pas avoir investi pour entretenir les infrastructures alors que la crise économique fait rage.

La compagnie vénézuélienne d'électricité Corpoelec a dénoncé, sans plus de précision, un "sabotage" de la centrale hydroélectrique vénézuélienne de Guri, l'une des principales d'Amérique latine et la plus importante du pays.

Au-delà du Venezuela, cette coupure de courant affecte aussi l'Etat frontalier brésilien de Roraima (nord) et ses plus de 500.000 habitants, également alimentés par la centrale vénézuélienne.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.