L'Iowa, première étape des présidentielles américaines au statut menacé

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Par Michael Mathes - Des Moines (Etats-Unis) (AFP)
Publié le 10 février 2019 - 10:29
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Le sénateur démocrate Cory Booker, le 8 février 2019 à Cedar Rapids (Iowa)
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© SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP
Le sénateur démocrate Cory Booker, le 8 février 2019 à Cedar Rapids (Iowa)
© SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP

Petit Etat rural et peu peuplé, l'Iowa n'en est pas moins un titan politique, le premier à voter, à l'ancienne, lors des primaires présidentielles américaines. Mais son puissant statut est aujourd'hui menacé par un changement de calendrier.

Un an avant les célèbres "caucus" de l'Iowa --des primaires à la mode artisanale--, les démocrates rêvant de remplacer Donald Trump à la Maison Blanche se pressent déjà en nombre sur les grandes plaines de cet Etat du Midwest américain.

Cette politique de terrain constitue un rite de passage dans les primaires républicaine et démocrate. Gagner ici peut propulser un candidat vers les sommets. Mais gare aux perdants, qui risquent une sortie humiliante.

Et tous les quatre ans, la même question revient: pourquoi un Etat regroupant moins de 1% de la population américaine joue-t-il un tel rôle-clé dans la présidentielle américaine?

C'est un privilège de voir les candidats "venir, serrer des mains, parler aux gens face à face", confie à l'AFP Chris Henning, chef des démocrates du comté de Greene.

Pousser les candidats à rencontrer les électeurs dans les cafés, à la célèbre foire annuelle de l'Iowa, ou dans leurs propres salons, offre une curieuse parenthèse dans une vie politique d'ordinaire dominée par les réseaux sociaux et les budgets faramineux.

- "Foire aux bestiaux" -

"Cela rend les candidats plus humbles", estime Steffen Schmidt, professeur à l'université de l'Iowa.

Les habitants de l'Iowa "les pincent et les tâtent comme s'ils étaient à une foire" aux bestiaux, poursuit-il. "C'est d'ailleurs un bon terrain d'entraînement".

Avec un grand nombre de candidats attendus et une base d'électeurs très motivés, la primaire présidentielle démocrate de 2020 s'annonce hors du commun.

Les chefs du parti dans l'Iowa attendent d'ailleurs une participation record pour leur "caucus", lorsque les électeurs se retrouvent pour voter, parfois debout, formant des groupes pour chaque candidat.

Les responsables se pressent donc pour trouver des salles assez grandes pour accueillir les 1.679 réunions prévues le 3 février 2020.

"Les +caucus+ se sont développés bien au-delà de ce qui était prévu au départ", souligne John Deeth, un démocrate qui a travaillé pour le parti au comté de Johnson.

L'Iowa compte donc mettre en place de nouveaux systèmes l'an prochain, en autorisant les électeurs à participer à distance, en ligne ou par téléphone.

Mais sa pole position est menacée.

- "Mises en scène" -

Des rumeurs circulent sur le New Hampshire. Le deuxième Etat à organiser les primaires, traditionnellement une semaine après l'Iowa, pourrait vouloir remonter en première place.

Mais c'est surtout la Californie qui pourrait saper son pouvoir d'influence.

Lassé d'arriver en fin de calendrier, l'Etat américain a avancé ses primaires de trois mois, au 3 mars 2020, avec plusieurs autres Etats. Son vote anticipé, qui démarre un mois avant cette date, chevauchera donc les scrutins de l'Iowa et du New Hampshire.

Avec un vaste électorat marqué par la diversité, la Californie exige d'avoir un important budget électoral, contrairement à l'échelle plus humaine des campagnes menées dans l'Iowa.

Electrice âgée de 62 ans, Anne Kinzel s'inquiète de l'influence de la population largement blanche de son Etat, dans un pays de plus en plus cosmopolite.

"J'ai peur que nous perdions des candidats (lors des primaires) après l'Iowa et le New Hampshire si le reste de la population, plus marquée par la diversité, n'a pas son mot à dire" dès le début, explique-t-elle.

C'est par accident que l'Iowa s'est hissé en première position, lorsque le parti démocrate a décidé en 1972 de démocratiser ses primaires, pour laisser les électeurs, et non les chefs du parti, choisir leur candidat.

Estimant qu'ils avaient besoin de temps, compte-tenu de leur système complexe, les organisateurs de l'Iowa ont alors décidé de passer avant le New Hampshire, qui inaugurait depuis des décennies la saison des primaires.

Peu y avaient fait attention jusqu'à la présidentielle de 1976, lorsqu'un gouverneur méconnu, Jimmy Carter, avait battu la campagne de l'Iowa et gagné la primaire, le catapultant jusqu'à la nomination démocrate et, à terme, la Maison Blanche.

Depuis, les candidats des deux partis sillonnent l'Iowa avec en tête un même adage: les trois premiers de la primaire avancent jusqu'à la prochaine étape... Les autres rentrent chez eux.

Mais la fraîcheur des "caucus" de l'Iowa disparaît, regrette John Deeth, remplacée par des stratégies médiatiques pointues.

"Même les visites dans les +diners+", ces restaurants typiquement américains, "sont programmées et mises en scène".

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