L'Irak obtient de Washington un délai pour ne pas plonger dans le noir

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Par Ammar Karim, Maya GEBEILY - Bagdad (AFP)
Publié le 08 novembre 2018 - 11:53
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Photo montrant des dollars américains et des riyals iraniens dans un bureau de changes de Bassora, dans le sud de l'Irak, le 6 novembre 2016
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© Haidar MOHAMMED ALI / AFP
Photo montrant des dollars américains et des riyals iraniens dans un bureau de changes de Bassora, dans le sud de l'Irak, le 6 novembre 2016
© Haidar MOHAMMED ALI / AFP

L'Irak, fortement dépendant de l'Iran pour son énergie et ses biens de consommation, est parvenu à négocier un délai avec les Etats-Unis pour ne pas se couper de son deuxième fournisseur, sous le coup d'un nouveau train de sanctions de son ennemi américain.

Pris en étau entre ses deux grands parrains, l'Irak a obtenu "45 jours", selon un responsable, pour présenter à Washington "un plan expliquant comment il va progressivement cesser de recourir à du pétrole et du gaz iraniens".

A l'heure actuelle, sans les hydrocarbures de son grand voisin, l'Irak, en pénurie chronique d'électricité, ne peut faire tourner toutes ses turbines. L'auto-suffisance est atteignable, mais pas avant "quatre ans", affirme à l'AFP le responsable, sous le couvert de l'anonymat.

Pour éviter un black-out, depuis que Washington a décidé de rétablir les sanctions levées lors de l'accord de 2015 sur le nucléaire, Bagdad a envoyé et reçu des délégations tous azimuts.

- "Parler à tous" -

Plusieurs ministres, notamment ceux des Finances et de l'Electricité, ont rencontré des officiels iraniens, tandis que des représentants du Trésor américain et de la Maison Blanche discutaient avec des responsables irakiens.

L'objectif pour l'Irak, dont l'industrie a souffert de l'embargo des années 1990 et des conflits à répétition, est de conserver ses liens commerciaux avec son grand voisin.

Il faut, a plaidé lors d'une conférence de presse mardi le Premier ministre Adel Abdel Mahdi, "préserver les intérêts nationaux en parlant à tous". Car Bagdad ne veut pas, a-t-il poursuivi, "être pris dans un conflit dont il n'est pas partie".

L'Irak, qui achète 1.300 mégawatts d'électricité à l'Iran, a donc accepté de dessiner "une feuille de route" en échange d'une "exemption" américaine, explique à l'AFP Noussaibah Younès, chercheuse associée au European institute of peace.

Ce plan vise, dit-elle, "une réduction de sa dépendance au carburant et à l'électricité iranienne".

Pour le moment, a annoncé mercredi Brian Hook, l'émissaire spécial pour l'Iran du département d'Etat américain, "l'Irak a une dérogation": il peut "continuer à payer ses importations d'électricité d'Iran".

Mais l'Irak, deuxième producteur de brut de l'Opep, a déjà lancé plusieurs pistes pour contenter Washington et atteindre son indépendance énergétique.

Parmi elles, il a signé début 2018 un protocole d'accord avec la compagnie américaine Orion Gas Processors pour exploiter le gaz du champ pétrolier de Ben Omar (sud).

Car, selon la Banque mondiale, une partie de la réponse à la pénurie d'énergie de l'Irak se trouve sur son sol... ou plutôt dans son air.

Jusqu'ici, en laissant ce gaz brûler dans les torchères, l'Irak perd chaque année 2,5 milliards de dollars. Et surtout, il perd une ressource qui pourrait assurer la majeure partie de son déficit en gaz pour produire de l'électricité.

- "L'Irak a besoin de nous" -

Et Orion est loin d'être seule. "De nombreuses entreprises américaines veulent en profiter, comme General Electrics", qui a signé en octobre un nouveau mémorandum d'accord avec l'Irak, affirme à l'AFP le responsable s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

D'un côté, l'Irak s'engage auprès des Etats-Unis; de l'autre, il rassure Téhéran, déjà sous le coup depuis août d'une première série de sanctions américaines et dont les secteurs pétrolier et financier sont désormais ciblés depuis lundi.

Pour contenter Washington, l'Irak va poursuivre ses achats iraniens, mais "en dinars irakiens et pas en dollars", explique encore le responsable.

Pour contenter Téhéran, renchérit Mme Younès, il va "fermer les yeux" sur les "activités iraniennes informelles pour contrer les sanctions" sur son sol. L'Iran va chercher, affirme-t-elle à l'AFP, à "obtenir des devises via le change irakien et via des opérations de contrebande".

Et, hors hydrocarbures, les achats irakiens représentent une manne énorme: en 2017, il a versé environ 5,7 milliards d'euros pour importer d'Iran des biens de consommation aussi variés que des tomates, des ventilateurs, des couvertures ou des voitures.

Lorsqu'il a rencontré le ministre irakien de l'Electricité cette semaine, l'ambassadeur iranien Araj Masjadi l'a bien dit: "nous avons besoin de l'Irak, comme l'Irak a besoin de nous".

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