L'Ukraine se dispute avec ses voisins au risque d'en souffrir

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Par AFP
Publié le 28 novembre 2017 - 11:49
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Des Ukrainiens chantent l'hymne national à l'occasion de la "marche des vychyvankas", chemises brodé
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© SERGEI SUPINSKY / AFP/Archives
Des Ukrainiens chantent l'hymne national à l'occasion de la "marche des vychyvankas", chemises brodées traditionnelles à Kiev, le 27 mai 2017
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Après trois ans de crise sans précédent avec Moscou, l'Ukraine est désormais en froid avec plusieurs de ses voisins irrités par le durcissement de sa politique nationale, avec le risque d'affecter le soutien européen à Kiev.

La nouvelle crise a commencé en septembre avec l'adoption par Kiev d'une loi sur l'éducation qui renforce l'enseignement de l'ukrainien à l'école.

Le texte a suscité des protestations de presque tous les voisins de l'Ukraine dans l'est de l'Europe, qui y ont vu un risque de discrimination de leurs minorités. Ces voisins se sont ainsi joints aux critiques émises par la Russie, un cas rarissime depuis l'annexion de la Crimée en 2014 par Moscou, suivie de l'éclatement du conflit entre séparatistes prorusses et armée ukrainienne.

Le président roumain Klaus Iohannis a annulé sa visite en Ukraine, et le gouvernement hongrois est allé jusqu'à menacer de bloquer le rapprochement de Kiev avec l'Union européenne (UE).

Plus récemment, Kiev et Varsovie se sont accrochés au sujet de massacres commis par les nationalistes ukrainiens pendant la Seconde guerre mondiale.

La Pologne reproche à l'Ukraine de ne pas assez explicitement condamner ces actes. Résultat: deux responsables gouvernementaux ukrainiens ont été interdits d'entrée en Pologne et l'ambassadeur polonais convoqué à Kiev.

Les tensions ne se limitent pas aux pays de l'Union européenne: en novembre, le Bélarus a accusé d'espionnage un journaliste ukrainien et déclaré persona non grata un conseiller diplomatique ukrainien. Kiev a riposté en expulsant un diplomate bélarusse.

- Quête d'identité -

Enfin, la Serbie a rappelé en novembre pour consultations son ambassadeur à Kiev, l'Ukraine ayant exprimé sa préoccupation au sujet de "mercenaires" serbes combattant aux côtés des rebelles prorusses dans l'est de ce pays où plus de 10.000 personnes ont péri depuis l'éclatement du conflit en 2014.

Pour des experts ukrainiens, ces tensions s'expliquent par le changement de ton de Kiev, à la recherche d'une nouvelle identité post-soviétique et qui tente d'imposer sa vision des choses à l'intérieur du pays comme à l'étranger.

"Les Ukrainiens cherchent à comprendre qui ils sont et quelle doit être leur politique nationale, ce qui provoque naturellement des tensions car jusqu'à présent l'Ukraine était un Etat mou", explique Daria Gaïdaï, analyste du New Europe Centre à Kiev.

Si depuis son indépendance en 1991 l'Ukraine évoluait entre l'Europe et la Russie, le soulèvement proeuropéen du Maïdan a débouché sur la chute d'un régime prorusse et l'arrivée au pouvoir d'autorités pro-occidentales en février 2014.

Peu après, la Russie a annexé la Crimée et la guerre a éclaté dans l'est du pays entre Kiev et des rebelles séparatistes soutenus militairement par Moscou selon Kiev et les Occidentaux. Ces événements ont considérablement mobilisé les Ukrainiens, provoquant un tournant pro-occidental et une poussée inédite du patriotisme et du nationalisme.

"Le conflit avec Moscou a exacerbé (...) le sentiment national et le désir de protéger la langue" ukrainienne, qui était marginalisée à l'époque soviétique, souligne Oleksandre Souchko de la Fondation internationale Renaissance à Kiev.

Certains voient la main de Moscou dans les tensions entre Kiev et ses voisins, à l'instar du Polonais Donald Tusk, président du Conseil européen, qui s'est interrogé sur un possible "plan du Kremlin".

Deux hauts responsables diplomatiques ukrainiens interrogés séparément sous couvert de l'anonymat ont exprimé un avis similaire à l'AFP. "S'ils ne sont probablement pas impliqués directement, les Russes jouent sur les tensions" opposant Kiev et ses voisins "car ils y trouvent leur compte", a commenté un de ces responsables.

Ces nouvelles tensions tombent mal pour Kiev, déjà affaibli par sa crise avec Moscou et pour qui le soutien de ses partenaires occidentaux est d'une importance cruciale.

S'il est peu probable que Bruxelles prenne le parti des adversaires européens de Kiev, l'adoption de certaines décisions qui nécessitent un consensus de tous les membres de l'UE -- comme la prolongation des sanctions économiques contre la Russie -- risque de devenir "plus compliquée", prévient M. Souchko.

Pour lui, cette vague de froid entre l'Ukraine et ses voisins, chez lesquels on observe également une montée du nationalisme, risque de durer.

"Ce n'est pas un simple épisode bilatéral mais une nouvelle phase historique qui succède à celle qui a suivi la guerre froide, quand on s'employait à oublier ce qui pouvait opposer les voisins et leurs identités nationales", estime M. Souchko. "Maintenant c'est le retour du balancier".

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