Malaisie : Mahathir Mohamad, 93 ans, ressent le poids des ans

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Par Sam Reeves - Kuala Lumpur (AFP)
Publié le 01 novembre 2018 - 14:28
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Le premier ministre malaisien Mahathir Mohamad lors d'un entretien avec l'AFP, à Putrajaya le 1er novembre 2018
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© Mohd RASFAN / AFP
Le premier ministre malaisien Mahathir Mohamad lors d'un entretien avec l'AFP, à Putrajaya le 1er novembre 2018
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A 93 ans, le Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad, revenu au pouvoir en mai, est le plus vieux dirigeant élu au monde et admet ressentir le poids des ans face à l'ampleur de sa tâche.

"Je devrais être mort à cette heure, en fait", plaisante-t-il avec son franc-parler coutumier lors d'un entretien jeudi avec l'AFP dans les bureaux d'une fondation qu'il dirige à Putrajaya, la capitale administrative.

Ancien médecin, Mahathir a fait ses débuts en politique en 1964 et dirigé une première fois la Malaisie d'une main de fer pendant 22 ans avant de revenir au pouvoir par surprise en mai à la faveur d'une victoire électorale de l'opposition dans cette nation de 31 millions d'habitants.

Il souffre de problèmes de santé croissants depuis quelques années et rien n'a été facile depuis qu'il a évincé l'ex-Premier ministre Najib Razak, son ex-protégé accusé de corruption et empêtré dans le scandale du fond d'investissement 1MDB. Najib, actuellement en liberté sous caution, ainsi que plusieurs anciens dirigeants ont été arrêtés depuis mai pour corruption.

Mahathir doit également affronter une dette nationale de 250 milliards de dollars et a décidé, au risque de fâcher Pékin, d'annuler trois contrats d'infrastructures conclus par Najib avec la Chine, totalisant quelque 22 milliards de dollars. "Nous ne pouvons tout simplement pas nous le permettre", observe-t-il, assurant que les relations avec la Chine restent bonnes.

- "C'est épuisant" -

Et, pour couronner le tout, la vie dans sa propre coalition n'est pas un long fleuve tranquille.

Constituée pour faire partir Najib, elle comprend des anciens adversaires politiques de Mahathir comme Anwar Ibrahim, aujourd'hui désigné comme dauphin par le Premier ministre nonagénaire qui s'est engagé à démissionner dans deux ans en sa faveur.

"C'est épuisant", concède Mahathir. "Cette fois-ci, je dois accomplir plus de travail que la première fois que j'ai été Premier ministre", ajoute-t-il: "presque toute la machinerie gouvernementale a été détruite".

Sa victoire à la surprise générale a sonné le glas de 61 ans de pouvoir de la coalition Barisan Nasional (Front national, BN) à la tête de cette ex-colonie britannique depuis son indépendance en 1957.

Nombre de cadres de l'ancien gouvernement, du chef de la banque centrale au procureur général, doivent être remplacés.

"J'ai dû me débarrasser des gens qui par le passé, sous le précédent gouvernement, avaient été (...) politiquement impliqués avec le gouvernement", explique Mahathir. "Beaucoup de choses ont été gâchées par Najib dans ses efforts pour enrôler chaque institution afin d'assurer sa victoire aux élections".

Parallèlement, les spéculations pour savoir si Mahathir respectera sa promesse de laisser le pouvoir à Anwar sont source de perturbations.

Les relations tumultueuses entre les deux hommes ont dominé la vie politique en Malaisie depuis le renvoi dans les années 1990 par Mahathir d'Anwar, alors puissant vice-Premier ministre emprisonné ensuite à deux reprises pour des accusations controversées de sodomie et corruption.

A l'issue des législatives de mai, Anwar Ibrahim a été libéré à la faveur d'une grace royale puis élu député mi-octobre.

Mahathir écarte toute suggestion sur d'éventuelles tensions: "j'ai travaillé avec lui auparavant (...), je n'ai aucun problème, je peux travailler avec tout le monde".

"J'ai fait une promesse, je respecterai ma promesse", insiste-t-il.

Malgré la lune de miel après la défaite du BN, les critiques continuent de lui reprocher des tendances autoritaires.

Durant sa première période au pouvoir (1981-2003), il a été accusé d'avoir sapé le travail de la justice et d'autres institutions, tandis que la presse était attaquée et des opposants emprisonnés.

Il s'était également illustré par ses déclarations à l'emporte-pièce dénonçant le néo-colonialisme occidental, traitant les Européens de radins ou les accusant de pratiques sexuelles déviantes. En 2003, il avait suscité un tollé en affirmant que les juifs "dirigent le monde par procuration".

Il reste fermement opposé au mariage homosexuel et aux revendications LGBT: fin octobre, en voyage en Thaïlande, il a affirmé que si les pays occidentaux "veulent les accepter, c'est leur affaire. Ne nous l'imposez pas".

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