Merkel dans l'embarras, les "chasses" aux étrangers remises en cause

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Par Yannick PASQUET - Berlin (AFP)
Publié le 07 septembre 2018 - 14:13
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(FILES) In this file photo taken on April 12, 2018 The head of the German Federal Office for the Protection of the Constitution (Bundesamt fuer Verfassungsschutz) Hans-Georg Maassen looks on during a
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© MICHELE TANTUSSI / AFP/Archives
Le patron du Renseignement intérieur allemand, Hans-Georg Maassen, a mis en doute des "chasses" aux étrangers à Chemnitz, contredisant Angela Merkel. Le 12 avril 2018.
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Le patron du Renseignement intérieur allemand, Hans-Georg Maassen, a mis en doute l'existence de "chasses" aux étrangers à Chemnitz, contredisant et embarrassant la chancelière Angela Merkel au moment où elle fait face à de nouveaux remous politiques sur les migrants.

C'est dans ce contexte que s'est tenu vendredi soir dans cette ville d'ex-RDA un nouveau rassemblement d'environ 2.000 personnes à l'appel d'un groupuscule local d'extrême droite, Pro Chemnitz. La cité saxonne est depuis près de deux semaines le théâtre de manifestations et de violences, suite au meurtre à l'arme blanche d'un Allemand, que plusieurs demandeurs d'asile sont soupçonnés d'avoir commis.

Entouré d'un imposant dispositif policier et pris à partie par plusieurs centaines de militants antifascistes, ils ont manifesté derrière une banderole "Nous sommes le peuple" et lancé "Merkel doit partir".

"Nous ne sommes pas des nazis", a assuré un manifestant, Daniel Reichelt, 55 ans, convaincu qu'il y a "plus de meurtriers étrangers qu'allemands, car ils n'ont pas de travail".

Dans la matinée, le quotidien populaire Bild avait fait état des sérieux doutes de M. Maassen quant à d'éventuelles "chasses collectives" menées contre des personnes d'apparence étrangère lors d'un rassemblement non autorisé de l'extrême droite le 26 août à Chemnitz. Celui qui avait mis le feu aux poudres.

Or, ces "chasses collectives" avaient été officiellement condamnées dès le lendemain par le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert.

La dirigeante elle-même avait ensuite employé cette expression et évoqué également des images montrant "très clairement la haine" et "une poursuite contre des personnes innocentes".

- 'Fausse information' -

Le chef du renseignement a également mis en doute l'authenticité d'une vidéo diffusée ce soir-là sur le compte Twitter d'un groupe d'extrême gauche "Antifa Zeckenbiss" et montrant au moins un jeune homme, probablement d'origine étrangère, poursuivi en pleine rue par des hommes vociférants.

"Il y a de bonnes raisons de croire qu'il s'agit d'une fausse information intentionnelle pour éventuellement détourner l'attention de l'opinion publique du meurtre à Chemnitz", selon M. Maassen, qui n'a fourni aucune précision.

La chaîne publique ARD, qui a effectué des recherches poussées sur ce document, a assuré à l'inverse que rien n'indiquait que cette vidéo était un "fake", s'appuyant sur les témoignages de journalistes sur place ou l'analyse des lieux.

La Fédération des journalistes allemands a critiqué les mises en cause du patron du Renseignement. "Face à ses doutes, il y a les témoignages de journalistes" sur place, qui ont assisté aux scènes et ont été eux-mêmes parfois agressés, a-t-elle dit.

La police de Chemnitz avait elle-même fait état de plaintes déposées par un jeune Afghan, un Bulgare ou encore un Syrien, suite à des agressions en marge du défilé organisé le 26 août par l'extrême droite pour dénoncer l'homicide commis le même jour.

Les violences avaient suscité un immense émoi dans un pays, où l'opinion est très polarisée sur la question des migrants depuis l'arrivée de plus d'un million de demandeurs d'asile en 2015 et 2016.

Les mises en cause du patron du renseignement sont un pavé dans la marre pour Angela Merkel car plusieurs responsables de son propre camp conservateur, à commencer par son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer, et l'extrême droite, mettent en cause depuis plusieurs jours la réalité des violences contre les étrangers à Chemnitz.

- Mise en garde -

La chancelière est en grande difficulté depuis des mois sur la question migratoire, un des principaux sujets abordés vendredi lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron à Marseille.

Chaque fait divers impliquant des migrants est l'occasion pour le parti d'extrême droite (AfD) de l'attaquer et de dénoncer une hausse supposée de l'insécurité et de la délinquance depuis 2015.

Et Horst Seehofer, également président du très conservateur parti bavarois CSU - théoriquement allié de la CDU - conteste de nouveau ouvertement la politique migratoire de la chancelière.

Il a estimé jeudi que l'immigration était "la mère de tous les problèmes" de l'Allemagne, ce qu'a contesté dans la foulée Mme Merkel.

Dans ce climat, le président de la République, Frank-Walter Steinmeier, est sorti de sa réserve vendredi pour rappeler "les conséquences" des attaques subies par la République de Weimar, avant l'avènement du nazisme en 1933.

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