Mobilisation en Espagne pour Helena Maleno, qui sauve les migrants de la noyade

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Par Michaela CANCELA-KIEFFER, avec Heesham RAFIE à Tanger - Madrid (AFP)
Publié le 10 janvier 2018 - 11:01
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La journaliste et militante espagnole Helena Maleno à Tanger au Maroc, le 9 janvier 2018
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© FADEL SENNA / AFP
La journaliste et militante espagnole Helena Maleno à Tanger au Maroc, le 9 janvier 2018
© FADEL SENNA / AFP

Des organisations de défense des droits de l'homme et des dizaines de personnalités soutiennent l'Espagnole Helena Maleno, visée par une enquête au Maroc pour trafic d'êtres humains en lien avec ses actions visant à éviter les naufrages de migrants dans le détroit de Gibraltar.

La militante de 47 ans, qui depuis des années permet aux secours de localiser les migrants en difficulté au large des côtes espagnoles, doit être entendue mercredi à 11h00 (10h00 GMT) par un juge de Tanger, au nord du Maroc, où elle est installée depuis une quinzaine d'années et travaille au sein de l'association Caminando Fronteras.

"Je trouve incroyable qu'une personne ayant sauvé autant de vies, donnant autant de sa personne soit mise en cause", déclare à l'AFP Miguel Jesus Zea, le responsable des secours en mer pour la zone d'Almeria (Andalousie).

"Nous affirmons notre solidarité totale et notre soutien à Helena Maleno Garzon", lit-on dans une pétition signée par quelque 200 personnalités dont l'acteur Javier Bardem ou l'écrivaine Almudena Grandes pour la "défense du droit à la vie" et contre "la criminalisation" de son travail.

Amnesty International dit aussi suivre avec "beaucoup d'inquiétude" l'affaire.

La police espagnole avait remis au parquet un rapport la soupçonnant de travailler pour une "organisation criminelle" en transmettant aux secours la localisation des migrants, en vue de leur transfert sur les côtes espagnoles.

Mais, en avril 2017, le parquet avait classé l'affaire sans suite, ne voyant pas d'indice de délit.

Le dossier aurait aussi été transmis à la justice du Maroc, sans préciser qu'il avait été classé en Espagne, selon Helena Maleno, qui doit être entendue par un juge d'instruction pour trafic de migrants, un délit qui peut entraîner une peine de prison.

La police espagnole contactée par l'AFP n'a pas souhaité commenter le dossier.

- 'Stopper ces morts' -

Selon Miguel Jesus Zea, Helena Maleno a permis de secourir "au moins 10.000 personnes" au large d'Almeria (sud de l'Espagne). En 2017, 223 migrants sont morts en tentant de gagner l'Espagne par la mer, selon l'Organisation internationale pour les migrations.

L'Eglise la soutient et l'organisation catholique Caritas tente une médiation auprès des autorités marocaines en sa faveur.

Dès 2007, cette militante servait d'intermédiaire aux familles de migrants pour se renseigner sur leur sort auprès des autorités espagnoles après la traversée du détroit.

Peu à peu, son numéro de téléphone et celui de l'équipe de Caminando Fronteras a circulé. Désormais, des clandestins l'appellent depuis le désert ou leur embarcation pour lui signaler leur localisation approximative. Elle transmet à son tour ces informations aux autorités pour permettre leur sauvetage.

Helena Maleno intervient aussi en tant qu'experte en migrations lors de colloques internationaux et ses publications sont appréciées par ses pairs, selon le sociologue et expert en migrations français Olivier Peyroux.

Son ONG défend aussi leur cause devant la justice comme dans le cas du drame de Tarajal, quand 15 migrants s'étaient noyés le 6 février 2014, visés selon Caminando Fronteras par des balles en caoutchouc de la Garde civile espagnole qui auraient pu jouer un rôle dans leur mort au large de l'enclave sous administration espagnole de Ceuta.

Fille d'ouvriers agricoles, Helena Maleno a grandi à l'ombre des grandes serres de fruits et légumes d'Andalousie, à El Ejido.

Sa ville natale est connue pour les émeutes racistes contre des immigrés maghrébins, en février 2000, qui avaient fait quelque 80 blessés après un double meurtre.

Depuis, cette diplômée en journalisme n'a eu de cesse de dénoncer le "business" autour des migrants: celui qui découle du contrôle migratoire, de la traite des clandestins, du travail non déclaré, du trafic d'organes et de la prostitution.

"Ce sont des esclaves et non des citoyens, expulsés de l'Etat de droit", déclare à l'AFP la fine brune aux cheveux noirs parfois teints au henné.

Mardi, elle a déclaré à l'AFP se féliciter de l'élan de solidarité autour de son affaire, car enfin, "tout le monde s'est mis à parler du droit à la vie. L'Europe veut nous montrer que le contrôle migratoire est plus important, mais c'est faux".

"On a les moyens de stopper toutes ces morts".

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