Mort en eaux troubles : l'affaire du sous-marin danois devant la justice

Auteur:
 
Par Ilgin KARLIDAG - Copenhague (AFP)
Publié le 07 mars 2018 - 16:34
Image
Des enquêteurs relèvent des indices sur le sous-marin Nautilus, le 13 août 2017 dans le port de Copenhague, après le meurtre de la journaliste suédoise Kim Wall tuée par le Danois Peter Madsen
Crédits
© Jens Noergaard Larsen / Scanpix Denmark/AFP/Archives
Des enquêteurs relèvent des indices sur le sous-marin Nautilus, le 13 août 2017 dans le port de Copenhague, après le meurtre de la journaliste suédoise Kim Wall tuée par le Danois
© Jens Noergaard Larsen / Scanpix Denmark/AFP/Archives

Témoin du crime, il repose en cale-sèche dans le port de Copenhague: le Nautilus, sous-marin artisanal dans les entrailles duquel le Danois Peter Madsen est accusé d'avoir tué la Suédoise Kim Wall, sera au coeur du procès de l'inventeur qui s'ouvre jeudi à Copenhague.

Douze journées d'audience sont prévues entre le 8 mars et le 25 avril pour tenter de comprendre comment est morte Kim Wall, journaliste suédoise indépendante montée à bord du submersible le 10 août 2017 avec son énigmatique créateur, Peter Madsen, qu'elle voulait interviewer.

La personnalité du meurtrier présumé et de la victime, la scène du crime, le théâtre du drame - décor naturel de la série noire "Bron" ("Le pont" en français) de part et d'autre de l'Öresund reliant le Danemark à la Suède - ont valu à cette affaire en eaux troubles un retentissement mondial.

Selon l'acte d'accusation, à l'intérieur du Nautilus, l'inventeur danois a infligé de multiples sévices à la jeune femme avant de la tuer, de découper son corps et d'en jeter les morceaux par dessus bord.

Torse, tête, bras, jambe ont été retrouvés l'un après l'autre dans la baie de Køge, près de Copenhague.

Les recherches entamées dès l'annonce de la disparition de la trentenaire en août se sont achevées en janvier. Elles ont également permis de retrouver les téléphones portables de la victime et de l'accusé.

Si Madsen affirme que Kim Wall est morte à bord par accident, ni ses explications, changeantes, ni l'autopsie, n'ont permis de déterminer la cause du décès: comment et pourquoi? C'est tout l'enjeu du procès.

- "Un côté obscur" -

Les enquêteurs sont convaincus qu'il avait prémédité son acte en apportant à bord du sous-marin scie, couteau, tournevis affutés, sangles et colliers de serrage notamment.

L'autopsie a révélé 14 plaies internes et externes au niveau du sexe de la victime, dues à un objet coupant et infligées alors qu'elle était encore vivante.

L'accusation soutient que M. Madsen a tué Kim Wall afin de satisfaire un fantasme sexuel, ce qu'il nie. Aucun mobile n'apparaît cependant clairement et l'avocate de l'inculpé, Betina Hald Engmark, ne s'exprime quasiment pas.

Auteur et témoin unique des faits, seul Madsen peut répondre aux questions que se posent les proches de Kim Wall.

"Un homme créatif décalé, anti-establishment, qui a construit son propre sous-marin et ses propres fusées, et qui s'est avéré avoir un côté complètement obscur", commente pour l'AFP Frank Hvilsom, qui suit les affaires criminelles pour le quotidien de référence Politiken.

Connu au Danemark comme "Racket Madsen", ingénieur autodidacte attiré par l'espace et les profondeurs marines, Peter Madsen ne supporte aucune entrave à son ambition. Ceux qui l'ont connu le décrivent en homme autoritaire, imprévisible, capable des plus violents emportements.

"Le fil directeur de sa vie, ce sont les conflits. Il a du mal à se mettre d'accord avec les autres, il a de grandes ambitions et veut tout faire à sa manière", résume ainsi son biographe, Thomas Djursing.

Il s'est brouillé avec la majeure partie de ses compagnons d'affaires, justifiant son indépendance par une étrange formule: "je suis autoentrepreneur, c'est la force de la dictature".

- Conquérir l'espace -

En 2008, il met à l'eau l'UC3 Nautilus -baptisé d'après le submersible imaginaire de Jules Verne- alors un des plus grands sous-marins privés au monde.

Parallèlement, il poursuit son ambition spatiale et parvient, en juin 2011, à lancer une fusée depuis une plate-forme flottante au large de l'île de Bornholm, en mer Baltique.

Brillante journaliste, Kim Wall avait elle exercé sur tous les continents et collaboré avec The Guardian et le New York Times.

Elle était fascinée par les destins singuliers et souhaitait faire le portrait de Madsen, 47 ans.

"Elle a fait des choses intéressantes sur la Chine, elle est allée en Ouganda, en Corée du Nord, elle pouvait vraiment donner vie aux personnes dont elle racontait les histoires", a témoigné pour l'AFP l'une de ses collègues au South China Morning Post, un quotidien de Hong Kong.

Le 10 août, à quelques jours de son départ pour la Chine, où elle devait s'installer avec son compagnon danois, elle avait quitté la fête qu'ils organisaient avant leur départ pour réaliser l'interview.

Montée à bord du sous-marin vers 19h, elle avait pris la mer avec l'inventeur et n'était jamais revenue.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.