Nicaragua : les "arbres de la vie", cibles de la colère populaire

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Par Blanca MOREL - Managua (AFP)
Publié le 24 avril 2018 - 19:23
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Les "arbres de la vie" métalliques érigées dans la capitale du Nicaragua sont devenus un symbole des caprices du couple présidentiel.
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© INTI OCON / AFP/Archives
Les "arbres de la vie" métalliques érigées dans la capitale du Nicaragua sont devenus un symbole des caprices du couple présidentiel.
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Ils ont été les premières cibles de la colère des manifestants au Nicaragua: les "arbres de la vie", structures métalliques qui décorent la capitale Managua, sont pour beaucoup d'habitants le symbole des caprices au pouvoir du couple présidentiel.

"Balancer ces arbres, cela veut dire renverser ce gouvernement qui se comporte mal avec nous", confie Vladimir, jeune manifestant retranché derrière une barricade près de l'Université polytechnique, berceau de la vague de mobilisations qui a démarré il y a près d'une semaine.

Roses, jaunes, bleus ou verts, ces énormes structures aux branches enroulées, de 17 mètres de hauteur, ont commencé à fleurir dans la ville en 2013. On en compte aujourd'hui près de 150.

C'est l'épouse du président Daniel Ortega, Rosario Murillo, qui avait donné l'ordre d'installer ces arbres: poétesse excentrique de 66 ans, elle a toujours été une pièce centrale du pouvoir au Nicaragua, jusqu'à en prendre la vice-présidence fin 2016.

Surnommée "la sorcière" par ses détracteurs, cette femme aux tenues bariolées a habitué le pays à ses excentricités, et on la voit régulièrement à la télévision, lisant des poèmes ou réprimandant des fonctionnaires.

Cette fois, elle s'est dite inspirée par le tableau "L'arbre de la vie" du peintre autrichien Gustav Klimt, qui représente un arbre stylisé, aux branches en forme de spirales, avec devant un couple enlacé. L'oeuvre est censée symboliser le cycle de la vie et de la mort.

Pour les Nicaraguayens, les arbres métalliques de Managua, illuminés la nuit, sont un tout autre symbole: celui du pouvoir sans partage du couple Ortega-Murillo.... et d'un caprice de plus de la Première dame, leur installation ayant coûté plus de trois millions de dollars.

Une somme exorbitante dans ce pays qui est l'un des plus pauvres du continent, avec un salaire moyen autour de 300 dollars.

Pas étonnant, donc, que la furie des manifestants, descendus dans la rue pour protester contre la réforme des retraites, ait d'abord visé ces arbres colorés: au moins cinq d'entre eux ont été mis à terre et détruits depuis mercredi dernier.

- "La tyrannie" -

"C'est l'expression du fait que nous les Nicaraguayens, nous ne voulons plus que ce régime reste au pouvoir", assure un jeune manifestant qui s'identifie uniquement comme "El Flaco" ("le maigre").

"Ce sont des bouts de métal" et, contrairement aux vrais arbres, "ils ne produisent pas d'oxygène et c'est de la merde", ajoute Vladimir.

Ces arbres "symbolisent la mentalité excentrique et ésotérique de la vice-présidente Rosario Murillo", qui "personnifie la gestion quotidienne du gouvernement, avec tout son autoritarisme et son arrogance", estime l'analyste Gabriel Alvarez.

Rosario Murillo, main droite du président Ortega depuis son retour au pouvoir en 2007, contrôle d'une main de fer la communication et l'agenda du gouvernement.

"C'est elle qui prend les décisions", dénonce un manifestant qui s'identifie sous le pseudonyme de "Parabelus" et voit ces structures métalliques encombrantes comme "une représentation de la tyrannie".

"Dans un pays aussi pauvre que le Nicaragua, une décoration de ce genre coûte environ 25.000 dollars, c'est un manque de respect", s'indigne un homme chargé de surveiller l'entrée de l'Université polytechnique, épicentre des manifestations.

Dans cette université, des jeunes armés avec des pierres montent la garde depuis l'attaque lancée dimanche soir par des agents anti-émeutes pour tenter de les déloger.

La violente vague de manifestations, démarrée la semaine dernière, a déjà fait 27 morts et des dizaines de blessés. Washington, l'Union européenne et le pape François ont appelé les forces de l'ordre à limiter toute répression.

Et la décision du président Ortega de renoncer à la réforme contestée des retraites n'a pas calmé le courroux populaire, reflétant un malaise plus profond d'une partie de la population, qui dénonce la confiscation du pouvoir par Ortega, l'ex-guérillero de la révolution sandiniste de 1979.

L'année de la révolution, les Nicaraguayens s'en étaient pris à un autre symbole du pouvoir, la statue équestre de l'ex-dictateur Anastasio Somoza Garcia, qu'ils avaient renversée pour signifier le changement d'époque.

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