Nicaragua : Ortega rend hommage à l'armée, l'opposition manifeste à nouveau

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Par Marco SIBAJA, Blanca MOREL - Managua (AFP)
Publié le 31 juillet 2018 - 20:47
Mis à jour le 01 août 2018 - 08:04
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Une femme porte une pancarte marquée du slogan "no tenemos miedo" (nous n'avons pas peur) lors d'une manifestation contre le président du Nicaragua Daniel Ortega, le 31 juillet à Managua
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© INTI OCON / AFP
Une femme porte une pancarte marquée du slogan "no tenemos miedo" (nous n'avons pas peur) lors d'une manifestation contre le président du Nicaragua Daniel Ortega, le 31 juillet à M
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Au lendemain d'une série d'entretiens où il s'est montré inflexible, le président nicaraguayen Daniel Ortega a rendu hommage mardi à l'armée, restée pour l'heure en marge de la crise, et affirmé que le pays avait recouvré la paix et vaincu le "terrorisme".

L'ancien guérillero de 72 ans présidait la cérémonie du 39e anniversaire de l'armée de l'air, "un anniversaire de paix", selon lui, en dépit des plus de 300 morts laissés par plus de trois mois de contestation populaire de son pouvoir.

Ces dernières semaines, a-t-il déclaré dans un long discours devant les militaires, "le pays était soumis à la terreur. Des pratiques terroristes qui étaient inconnues dans notre pays", qui ont vu "enlever des citoyens, enlever des policiers, enlever des femmes, des jeunes, les torturer", selon lui.

Dans ce pays pauvre d'Amérique centrale, qui a vécu deux guerres civiles dans les années 1970 et 1980, les militaires jouent un rôle crucial et des voix s'élèvent pour réclamer leur intervention contre les groupes paramilitaires proches du gouvernement.

Durant la crise, l'armée s'est rarement exprimée: elle s'est engagée à ne pas réprimer les manifestants et a appelé au dialogue et à la fin des violences.

Une attitude parfois ambiguë, des habitants signalant la présence de soldats ou ex-militaires dans les interventions des forces de l'ordre.

L'armée du Nicaragua est issue de la guérilla du FSLN qui a renversé le dictateur Anastasio Somoza en 1979 et compte 13.000 membres pour un budget de 75 millions de dollars, selon le rapport en 2016 du groupe d'experts Réseau de sécurité et défense d'Amérique latine.

Répliquant aux assurances présidentielles sur un retour à la paix, un dirigeant du Frente amplio para la democracia (FAD, opposition), l'ex-député José Pallais, a dénoncé auprès de l'AFP une aggravation de la répression.

- "Policiers volontaires" -

"Il s'agit essentiellement de menaces, d'arrestations arbitraires, de disparitions, d'habitations d'opposants vandalisées et brûlées", a-t-il déclaré, afin de "faire disparaître toutes les voix critiques".

Déjà lundi, dans une série d'entretiens à des chaînes d'information internationales, Daniel Ortega était revenu sur la profonde crise que traverse son pays depuis la mi-avril, paralysant l'économie, avant d'assurer que la situation était revenue à la normale.

"Le pays tend à se stabiliser dans le domaine économique et commercial. Il tend à se normaliser, l'économie va redémarrer", avait-il affirmé dans l'interview à CNN en espagnol.

Concernant les paramilitaires accusés par les ONG et l'opposition d'exercer des violences contre les manifestants, le président de gauche a affirmé qu'il s'agissait de "policiers volontaires", sans condamner leurs actions.

Daniel Ortega a aussi ironisé sur l'éventualité de consulter les Nicaraguayens pour avancer les élections de 2021 à 2019, comme le proposent les médiateurs du dialogue et l'opposition, avant d'opposer un refus catégorique.

"Des élections anticipées, cela n'aurait aucun sens" car l'opposition nicaraguayenne "n'accepte aucune alternative au départ" de ce gouvernement, a-t-il tranché.

- Médecins limogés -

De son côté, l'opposition a manifesté à nouveau mardi à Managua aux côtés de plusieurs centaines de salariés de la Santé, solidaires de leurs collègues licenciés des hôpitaux publics --estimés à près d'une centaine-- pour avoir porté assistance aux blessés durant les manifestations.

"Nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes des spécialistes !", scandait la foule de médecins, d'infirmières et d'auxiliaires en blouse blanche, accompagnés de jeunes manifestants cagoulés et armés de mortiers artisanaux, l'arme favorite des opposants contre les forces de l'ordre.

Le Nicaragua est en proie depuis le 18 avril à un mouvement de contestation antigouvernementale durement réprimé, qui a fait plus de 300 morts et 2.000 blessés, selon plusieurs organisations des droits de l'Homme, qui chiffrent à 1.900 le nombre de personnes interpellées, dont 488 sont toujours en détention et 98 inculpées.

Un chiffre également contesté lundi par le président de gauche qui accuse les ONG d'être "politisées" et a dévoilé un nouveau bilan officiel de "195 décès".

“Ces chiffres (des ONG) n'ont pas été affinés, n'ont pas été vérifiés. Ce sont des plaintes qu'ils reçoivent et additionnent, additionnent et additionnent", a déclaré M. Ortega sur CNN en espagnol.

Daniel Ortega s'est encore dit lundi disposé à ouvrir le dialogue à d'autres acteurs "qui puissent renforcer le travail qu'a déjà réalisé l'Eglise" et a dit avoir pris contact avec "le secrétaire général des Nations unies".

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