Nucléaire iranien : Macron peut-il convaincre Trump de sauver l'accord ?

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Par Francesco FONTEMAGGI - Washington (AFP)
Publié le 22 avril 2018 - 14:06
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Le président français Emmanuel Macron (g) et son homologue américain Donald Trump, le 18 septembre 2017 à New York
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© Brendan Smialowski / AFP/Archives
Le président français Emmanuel Macron (g) et son homologue américain Donald Trump, le 18 septembre 2017 à New York
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Emmanuel Macron va tenter à Washington de convaincre Donald Trump de ne pas "déchirer" l'accord sur le nucléaire iranien. Mais malgré des négociations bien avancées, personne ne sait vraiment si cela suffira à satisfaire le président américain.

A l'Elysée, on "espère" que la visite du président français à son homologue américain, de lundi à mercredi, "va permettre d'avancer dans le bon sens" sur ce dossier prioritaire. Et pour cause: l'ultimatum lancé en janvier par Donald Trump aux signataires européens de l'accord (France, Royaume-Uni et Allemagne) expire le 12 mai.

A cette date, s'ils n'ont pas trouvé le moyen de durcir l'accord signé en 2015 par les grandes puissances avec l'Iran pour l'empêcher de se doter de la bombe atomique, le président américain, qui le juge trop laxiste, menace de rétablir les sanctions contre Téhéran et de se retirer du texte.

Une menace à laquelle le chef de la diplomatie iranienne, Javad Zarif, a riposté samedi en avertissant que Téhéran reprendra "vigoureusement" l'enrichissement d'uranium en cas de rupture de l'accord, avant d'assurer que son pays adopterait des "mesures drastiques", sans en préciser la teneur.

Les Européens, initialement surpris par l'ultimatum mais décidés à sauver un accord durement négocié, estiment avoir joué le jeu en proposant des solutions. La France, la première, est allée à la rencontre des inquiétudes américaines en s'alarmant du rôle de l'Iran au Moyen-Orient et de ses missiles balistiques -- un rôle de médiateur salué par les diplomates américains.

Là-dessus, les parties pensent avoir bien avancé dans la rédaction d'engagements politiques assortis, éventuellement, de nouvelles sanctions européennes pour le volet balistique, même si les membres de l'Union européenne sont encore divisés sur cette dernière question.

Plus difficile est le travail sur l'accord lui-même, notamment les “sunset clauses” selon lesquelles certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes tombent progressivement à partir de 2025.

Comment durcir un texte sans impliquer ses autres signataires, l'Iran, la Chine et la Russie, qui ne veulent pas y toucher ? "C'est un dialogue de sourds", peste un diplomate européen quand, côté américain, on reconnaît un problème "épineux".

Washington souhaite un "accord complémentaire" conclu entre les Etats-Unis d'une part, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne de l'autre. En fait, cela prend là aussi la forme d'une déclaration politique dans laquelle les Occidentaux s'engagent à ne pas laisser Téhéran se doter de la bombe même après l'expiration de l'accord de 2015.

Les Européens semblent prêts à qualifier d'"accord" ce "document" qui sera finalisé d'ici début mai, si cela peut convaincre le président américain de rester dans le "vrai" accord.

- "Après le 12 mai" -

C'est là le vrai noeud du problème. Personne ne sait ce qui est susceptible de satisfaire Donald Trump qui, prévient-on de part et d'autre, ne tranchera qu'en mai, au dernier moment.

"Il déteste l'accord", disent plusieurs diplomates occidentaux.

Certains négociateurs européens reconnaissent que même leur homologue américain, le diplomate Brian Hook, ne sait pas précisément si, in fine, le résultat des tractations permettra de sauver l'accord.

"Si nous parvenons à un accord" avec les Européens, "alors il sera exposé au président" qui "prendra sa décision", s'est récemment borné à expliquer Brian Hook.

Le pessimisme ambiant côté européen a été renforcé par de récents choix du président américain, qui a nommé deux "faucons", Mike Pompeo et John Bolton, comme secrétaire d'Etat et conseiller à la sécurité nationale.

Mike Pompeo s'est toutefois montré le plus vague possible lors de son audition de confirmation — toujours en suspens — par le Sénat, refusant de dire s'il plaiderait pour un retrait américain en cas d'échec des négociations avec les Européens.

"Même après le 12 mai, il y a encore beaucoup d'efforts diplomatiques à mener", a-t-il éludé.

Certains groupes de pressions conservateurs de Washington suggèrent au président d'annoncer, à cette date-butoir, le retour des sanctions liées au nucléaire, tout en accordant un nouveau délai avant l'entrée en vigueur. Une manière de gagner encore du temps tout en affichant sa fermeté.

Qu'il "déchire" directement l'accord ou qu'il enclenche un compte-à-rebours, les conséquences restent difficiles à prédire.

Les Européens affirment officiellement ne pas travailler à un "plan B" dont ils espèrent qu'il n'aura pas à être déployé. Mais "il faut toujours se préparer à toutes les éventualités, et donc nous faisons des plans" en cas d'échec "car il serait irresponsable de ne pas le faire", reconnaissait Brian Hook fin mars.

Tous tentent aussi de jauger le sérieux des avertissements de Téhéran.

"Ceux qui veulent faire sauter l'accord iranien doivent d'abord nous dire ce qu'ils feront si l'Iran relance son programme d'enrichissement d'uranium", a prévenu sur Twitter l'ambassadeur de France à Washington, Gérard Araud, alors que Mike Pompeo a estimé que rien n'indique que "les Iraniens se précipiteraient pour créer une arme nucléaire".

Après Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel devrait plaider la cause de l'accord iranien vendredi à la Maison Blanche.

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