Perdus face aux réformes de Maduro, les Vénézuéliens craignent encore plus d'inflation

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Par Alex VASQUEZ - Caracas (AFP)
Publié le 23 août 2018 - 08:45
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Commerces fermés dans une rue de Caracas au Venezuela, le 22 août 2018
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© Federico PARRA / AFP
Commerces fermés dans une rue de Caracas au Venezuela, le 22 août 2018
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Habitué à parler en millions, Alexander, ouvrier du bâtiment, regarde un peu perdu le billet de 10 bolivars souverains, la nouvelle monnaie vénézuélienne, qu'il vient de retirer après une demi-heure de queue: "je ne sais pas trop ce que je peux acheter avec ça".

Dans les rues de Caracas, les habitants tentent d'apprivoiser les transactions avec ces nouvelles coupures, amputées de cinq zéros para rapport à l'ancien bolivar. Pour ne rien simplifier, les deux monnaies vont cohabiter durant un temps.

Selon le président socialiste Nicolas Maduro, le bolivar souverain est indexé à la valeur du petro, la cryptomonnaie vénézuélienne avec laquelle le gouvernement entend contourner le manque de liquidités et les sanctions financières des Etats-Unis. C'est la première fois qu'un pays adosse sa monnaie sur une cryptomonnaie.

"Les gens ne savent pas avec quel billet payer le transport, entre les nouveaux et les anciens. Ils ne savent pas quelle monnaie on va leur rendre", déclare à l'AFP José Bravo, un retraité de 63 ans.

"Si je donne un billet de deux bolivars (200.000 anciens) et le ticket coûte 60 centimes (60.000 bolivars anciens), comment va-t-on te rendre la monnaie? Parfois, c'est avec des vieux billets et dans ce cas, tu perds de l'argent", juge Jonathan Campos, informaticien.

Manuel, qui conduit une moto-taxi, n'a pas encore été payé avec des nouveaux billets mais il rit en pensant à ses clients qui cafouillent au moment de lui faire un virement électronique depuis leur portable.

"Une petite course c'est 20 bolivars (deux millions anciens) et les gens pensent parfois que c'est 200 ou 2.000 (nouveaux), mais je suis quelqu'un de bien, je n'en profite pas et je leur explique", assure-t-il.

La plupart des personnes interrogées soutiennent la hausse vertigineuse du salaire minimum, multiplié par 34 sur décision du chef de l'Etat. Il équivaut désormais à 30 dollars environ, selon le taux de change officiel en vigueur depuis mardi.

Mais tous craignent que l'hyperinflation, attendue à 1.000.000% fin 2018 par le FMI, vienne à bout de tout cela.

- "C'est une folie" -

"Cette augmentation, c'est une folie, c'est excessif et ça va provoquer du chômage, car les chefs d'entreprises vont devoir licencier des gens. Et ceux qui vont payer (leurs salariés), devront augmenter leurs prix", juge Manuel, le motard.

"S'il n'y a pas de bien (dans le pays), cela se traduit par de l'inflation. Il y a davantage de masse monétaire en circulation dans la rue et les prix montent", fait valoir Jonathan, l'informaticien.

José le retraité, défend la hausse et demande aussi au gouvernement de geler les prix des produits de base.

Le gouvernement socialiste a fixé mercredi le prix de certains produits. Le camp au pouvoir assure être victime d'une "guerre économique" de l'opposition qui vise à augmenter les prix afin d'accentuer la grogne sociale et faire chuter le président.

"Le patronat veut détruire le pays. Ce que doit faire Maduro, c'est geler les prix", juge José.

Les services du parquet et du Sundde, un organisme chargé de la défense des droits socio-économiques, veillent: 68 procureurs spécialisés sont chargés d'éviter une hausse des tarifs.

Le gérant d'un supermarché de Caracas et son adjoint ont été arrêtés pour avoir "modifié les prix (avec des hausses allant) jusqu'à 200%", a annoncé le ministre de l'Intérieur Nestor Reverol. Au moins cinq autres responsables de grandes surfaces ont été interpellés, d'après le Sundde.

Alors que le pays souffre d'une grave pénurie de médicaments, notamment, cet organisme a ordonné à une des principales chaînes de pharmacies du pays de geler ses tarifs.

"On lui interdit d'ajuster ses prix après une énorme hausse du salaire (minimum). Cette entreprise va vendre à perte. Remplir à nouveau ses rayons va lui coûter plus cher que ce qu'elle aura vendu", explique à l'AFP l'économiste Henkel Garcia.

Nombre de Vénézuéliens, qui passent des heures à faire la queue devant les supermarchés et les pharmacies, semblent résignés.

"Ce qu'ils ont fait, c'est camoufler la crise, le pouvoir d'achat reste le même. Nous vivons dans une paix supposée, qui va bientôt éclater", estime Jonathan.

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