Polémique à Hong Kong autour d'une gare, possible cheval de Troie de Pékin

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Par Elaine YU - Hong Kong (AFP)
Publié le 10 janvier 2018 - 12:08
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Vue du site de construction du terminal ferrovaire de West Kowloon au premier plan, avec la ville de Hong Kong éclairée en fond, prise le 27 décembre 2017. Une zone spéciale de la gare placée sous aut
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Vue du site de construction du terminal ferrovaire de West Kowloon au premier plan, avec la ville de Hong Kong éclairée en fond, prise le 27 décembre 2017. Une zone spéciale de la
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Un nouveau terminal ferroviaire sur le front de mer à Hong Kong assurera bientôt une liaison à grande vitesse avec le continent. Mais il provoque une levée de boucliers chez certains qui y voient un empiètement de la Chine au coeur même de l'ex-colonie britannique.

La nouvelle gare de West Kowloon, en plein centre de la métropole, comprendra une zone spéciale sous l'autorité de Pékin. Pour la première fois depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997, les lois chinoises s'appliqueront à un bout du territoire hongkongais.

Des policiers chinois y effectueront les formalité d'immigration, des douaniers ou encore les services de sécurité du continent y seront déployés, en parallèle des contrôles des services hongkongais.

Les autorités chinoises comme hongkongaises expliquent que cet arrangement facilitera la vie des voyageurs. La nouvelle liaison mettra dès l'automne la nouvelle gare à une cinquantaine de minutes de Canton et un quart d'heure de Shenzhen, dans le sud de la Chine.

Mais aux yeux de ses adversaires, ce projet est un nouveau coup porté au statut semi-autonome dont bénéficie Hong Kong en vertu du principe "Un pays, deux systèmes".

Hong Kong jouit de libertés inconnues sur le continent, comme la liberté d'expression et l'indépendance de la justice. L'Etat de droit est la clé de voûte de sa culture et de sa réussite en tant que centre d'affaires international.

Une série d'incidents, comme la disparition de cinq libraires hongkongais dont certaines publications déplaisaient à Pékin, et la disqualification de six députés rebelles, font toutefois craindre que la Chine ne soit en train de les éroder.

La gestion de la nouvelle gare, au coeur de cette problématique, ne fait que redoubler les peurs. Des Hongkongais se demandent comment ils devront se comporter dans la zone spéciale, s'ils pourront surfer sur des sites interdits en Chine comme Facebook ou Twitter, ou si y porter des vêtements barrés de slogans politiques leur vaudront une arrestation.

- 'nervosité des juristes' -

Le projet, adopté fin décembre par Pékin, doit encore recevoir le feu vert du Parlement hongkongais, lequel est contrôlé par le camp pro-chinois.

L'Association du barreau de Hong Kong s'est dite "horrifiée" tandis que des juristes de premier plan ont remis en cause sa légalité.

"La nervosité de la communauté juridique est nourrie par les coups continus et répétés portés à l'Etat de droit tel que nous le connaissons", déclare à l'AFP l'avocat Randy Shek.

La mini-Constitution de Hong Kong stipule clairement que les lois chinoises ne s'appliquent pas au territoire, à part dans certains domaines bien précis comme celui de la défense.

L'avocat Johannes Chan accuse Pékin d'avoir outrepassé ses pouvoirs. "De fait, on est dans l'absence d'Etat de droit".

La disparition en 2015 de cinq libraires, dont l'un s'était volatilisé dans un entrepôt de Hong Kong, avait nourri la suspicion que des agents de sécurité chinois opéraient illégalement sur le territoire.

En 2016, suite à une "interprétation" par Pékin de la loi fondamentale hongkongaise, des députés démocrates et indépendantistes fraîchement élus avaient été disqualifiés pour avoir manifesté leur hostilité à la Chine en prêtant serment.

- respect de l'Etat de droit -

Et le placement en détention l'année dernière d'étudiants qui avaient pris la tête de l'immense mouvement prodémocratie de 2014 n'a rien fait pour apaiser les inquiétudes.

Les autorités chinoises et hongkongaises assurent que le système hongkongais n'est pas menacé.

La dirigeante de l'exécutif hongkongais Carrie Lam a aussi accusé les députés d'opposition d'être des "élitistes" au motif qu'ils jugent que la loi hongkongaise prévaut sur la loi chinoise.

"Ils ne veulent pas accepter la réalité, le fait que la Chine est l'Etat souverain de Hong Kong", dit à l'AFP Junius Ho, député pro-Pékin et avocat.

D'autres juristes se mobilisent pour défendre le statut de la ville.

L'avocat britannique Philip Dykes, candidat à la prochaine présidence du Conseil du barreau de Hong Kong, explique que celui-ci a "le devoir de faire respecter l'Etat de droit et de protester" contre toute menace.

Randy Shek, également candidat à un fauteuil au sein de ce Conseil, se défend de faire de la politique. Mais le "barreau doit protester contre tout signe d'attaque de ce principe très fondamental qui a fait de Hong Kong ce qu'elle est", dit-il. "Les signaux d'alarme sont partout".

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