Pour les rescapés de Charlottesville, le combat contre le racisme continue

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Par Issam AHMED - Charlottesville (Etats-Unis) (AFP)
Publié le 09 décembre 2018 - 07:45
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Le 12 août 2018, un an après l'attaque à la voiture de Charlottesville, des personnes se recueillent devant le mémorial de fortune installée à la mémoire d'Heather Heyer tuée par un néonazi américain
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© Logan CYRUS / AFP/Archives
Le 12 août 2018, un an après l'attaque à la voiture de Charlottesville, des personnes se recueillent devant le mémorial de fortune installée à la mémoire d'Heather Heyer tuée par u
© Logan CYRUS / AFP/Archives

Lorsque le néonazi américain James Fields a été reconnu coupable du meurtre d'une manifestante antiraciste qui protestait contre un rassemblement nationaliste à Charlottesville l'an dernier, Wednesday Bowie a pleuré de joie. Mais pour elle, le combat doit continuer.

"C'était du suprémacisme blanc de la pire sorte", dit à l'AFP cette jeune femme qui a eu le bassin fracassé lorsque James Fields a foncé au volant de sa voiture sur un groupe de manifestants qui protestaient contre le rassemblement d'extrême droite "Unite The Right", le 12 août 2017 dans cette petite ville de Virginie.

Le jury a déterminé que M. Fields, 21 ans, avait délibérément lancé sa Dodge Challenger dans la foule, tuant Heather Heyer, 32 ans, et blessant 35 autres personnes.

Même si elle se sent soulagée, Wednesday Bowie considère que ce jugement n'est qu'une avancée limitée dans le long combat contre l'intolérance, qui n'a fait que croître sous Donald Trump.

Ses propos font écho à ceux de nombreux militants antifascistes de Charlottesville, pour qui l'attaque de James Fields n'est qu'un symptôme du racisme institutionnel profondément ancré dans l'histoire de cette pimpante petite ville universitaire.

Le rassemblement de Charlottesville avait été organisé par des nationalistes blancs pour protester contre le déboulonnement annoncé d'une statue du général sudiste Robert Lee.

La municipalité avait approuvé le déboulonnement par un vote, mais le sort de la statue est aujourd'hui en suspens après plusieurs recours en justice, dont un venu d'une organisation défendant la mémoire des Etats confédérés, favorables à l'esclavage qui souhaite qu'elle reste en place.

- Passé esclavagiste -

Thomas Jefferson, le troisième président des Etats-Unis, est né tout près de Charlottesville, cité située à environ 160 km au sud-ouest de Washington.

La ville de 46.000 habitants, qui abrite la prestigieuse université de Virginie, est réputée pour son centre historique cossu, à l'architecture classique, et surtout pour la demeure historique de Jefferson, Monticello. Père fondateur des Etats-Unis, il est connu pour avoir eu des esclaves tout en luttant pour la tolérance et l'égalité des hommes.

Mais sous le verni, le racisme n'est pas entièrement effacé, selon Andrea Douglas, directrice du Jefferson School African American Heritage Center.

La population noire de Charlottesville, qui a chuté à 19% de la population, a été largement écartée de la croissance locale après des années de politiques d'exclusion en matière d'éducation, d'habitat et d'emploi, explique cette historienne.

Elle mentionne notamment la démolition dans les années 60 du quartier noir de Vinegar Hill, en plein centre ville, qui a dépossédé toute une génération d'un patrimoine immobilier dont la valeur a explosé.

Pour Tanesha Hudson, 39 ans, la présence des statues confédérées dans sa ville est un rappel permanent de ce passé raciste et esclavagiste.

"C'est manquer de respect à toute personne de couleur dont les ancêtres récoltaient le coton, ou étaient esclaves. Ou ont été pendus, tués ou violés", dit-elle.

Depuis août 2017, les militants antiracistes de Charlottesville se sont mobilisés, comme Matthew Christensen, un assistant social de 34 ans qui a lancé une pétition en ligne pour obtenir le déboulonnement d'une autre statue confédérée, devant un tribunal du centre-ville.

Les violences de l'an dernier "ont été un catalyseur pour beaucoup de gens", estime Molly Conger, une blogueuse de 29 ans qui a commencé à publier des informations sur la politique locale après l'incident.

La jeune femme a reçu des menaces pour des articles consacrés à un procès d'un autre suprémaciste blanc.

Sur les marches du tribunal, l'accusé a donné l'adresse personnelle de la blogueuse à ses supporters et un montage photo la représentant décapitée a été mis en ligne.

"Ca les perturbe quand les femmes s'expriment", dit Molly Conger, que les menaces ne dissuadent pas. "Je me moque d'eux, et c'est ça qui leur fait le plus mal".

Comme Wednesday Bowie, Jeanne Peterson a survécu à l'attaque de Fields, mais sa jambe a été écrasée dans le choc et elle a passé plus d'un an en fauteuil roulant

"James Fields n'est que la partie émergée de l'iceberg", dit la jeune femme de 32 ans, pour qui le retrait des statues confédérées reste une priorité.

"Le combat ne sera pas terminé avant longtemps", ajoute-t-elle. Mais la condamnation du jeune néonazi "est certainement un pas dans la bonne direction".

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