Présidentielle aux Maldives : sous la plage, la répression

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Par Amal JAYASINGHE - Colombo (AFP)
Publié le 21 septembre 2018 - 12:43
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Des partisans du président Abdulla Yameen aux Maldives participent à l'un de ses meetings de campagne avant l'élection présidentielle, à Malé le 7 septembre 2018
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© - / AFP/Archives
Des partisans du président Abdulla Yameen aux Maldives participent à l'un de ses meetings de campagne avant l'élection présidentielle, à Malé le 7 septembre 2018
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Si les Maldives évoquent lunes de miel et plages paradisiaques dans l'imaginaire du grand public, la situation politique de cette micro-nation de l'océan Indien qui tient dimanche son élection présidentielle est autrement moins souriante.

Homme fort de l'archipel d'un millier d'îles coralliennes aux plus de 340.000 habitants, selon le dernier recensement de 2014, le chef de l'État Abdulla Yameen mène une répression féroce de toute dissidence et semble avoir le champ libre pour obtenir un second mandat de cinq ans.

Protestations et pressions de la communauté internationales n'y ont rien fait. Les principales figures de l'opposition sont soit derrière les barreaux, soit forcées à l'exil comme l'ex-président Mohamed Nasheed. La société civile est muselée.

Figure de proue de la contestation, M. Nasheed - qui avait été battu par M. Yameen en 2013 dans des circonstances controversées - a dû renoncer à la présidentielle en raison d'une condamnation judiciaire considérée par l'ONU comme politiquement motivée.

En son absence, la coalition de l'opposition s'est ralliée derrière Ibrahim Mohamed Solih, un homme de 54 ans peu connu des électeurs. Or celui-ci s'est vu ignoré par les médias locaux, trop craintifs de s'attirer l'ire du pouvoir.

D'après Human Rights Watch, le gouvernement maldivien recourt à des décrets et "lois à la formulation vague pour faire taire la dissidence et intimider et emprisonner les critiques", dont certains ont été agressés voire tués.

"La couverture de la campagne électorale est sévèrement restreinte par la loi sur la diffamation. Ce n'est pas une couverture équilibrée, mais nous n'avons pas le choix", a confié à l'AFP un journaliste local qui a souhaité conserver l'anonymat pour des raisons de sécurité.

"Nous ne pouvons même pas utiliser les réseaux sociaux pour parler des politiciens de l'opposition", a expliqué ce reporter. Même publier des photos de personnes portant des T-shirts avec les visages d'opposants emprisonnés franchit la ligne rouge.

Les journalistes étrangers cherchant à couvrir le scrutin ne se sont généralement pas vu accorder de visas. Seuls quelques-uns, ces derniers jours seulement, ont réussi à obtenir le sésame.

L'opposition a dénoncé la semaine dernière ce blocage de la presse internationale et accusé le régime de chercher à limiter "l'observation indépendante du vote et des probables tentatives du président Yameen de le voler".

- L'ombre de la Chine -

La poigne de fer s'est encore durcie début 2018 lorsque le chef de l'État s'est opposé à une décision de la Cour suprême, qui cassait les condamnations judiciaires d'opposants et réinstituait dans leurs fonctions des parlementaires rebelles.

Abulla Yameen avait alors imposé un état d'urgence de 45 jours, fait arrêter deux juges de la Cour suprême et l'ancien autocrate de l'archipel (1978-2008) Maumoon Abdul Gayoom - par ailleurs son demi-frère et ex-mentor. La haute instance judiciaire avait finalement dû revenir sur sa décision.

Cette "attaque en règle contre la démocratie", selon les termes employés par l'ONU, a un peu plus entaché l'image de ce haut lieu de vacances de luxe, où les recettes liées au tourisme représentent un quart de l'économie du pays.

Des enquêtes de médias étrangers ont aussi révélé un vaste système de détournement de fonds publics orchestré par des proches du président Yameen, pour des sommes portant sur des dizaines de millions de dollars.

Si la situation aux Maldives alarme la communauté internationale, qui menace régulièrement les cadres du régime de sanctions, Malé peut cependant compter sur un allié de poids: la Chine.

Dans le cadre de sa politique d'influence régionale, Pékin a octroyé des centaines de millions de dollars en prêts aux Maldives pour la construction d'infrastructures. Celles-ci incluent un grand "Pont de l'amitié Chine-Maldives" et la modernisation du principal aéroport international.

Nombre d'observateurs doutent de la capacité de l'archipel à pouvoir rembourser ces emprunts, se plaçant ainsi à la merci de son créditeur. Une nouvelle incursion chinoise dans la sphère d'influence indienne qui fait grincer des dents à New Delhi.

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