Présidentielle à Chypre : le village bi-communautaire de Pyla garde la foi

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Par Clément MELKI - Pyla (Chypre) (AFP)
Publié le 23 janvier 2018 - 11:12
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Des Chypriotes turcs jouent aux cartes dans le village bi-communautaire de Pyla, situé dans la zone tampon de l'ONU, le 10 janvier 2018
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© Iakovos Hatzistavrou / AFP
Des Chypriotes turcs jouent aux cartes dans le village bi-communautaire de Pyla, situé dans la zone tampon de l'ONU, le 10 janvier 2018
© Iakovos Hatzistavrou / AFP

Deux mairies, une mosquée, une église et l'ONU: bienvenue à Pyla, rare localité mixte de Chypre. A l'approche de la présidentielle, les communautés chypriotes grecque et turque veulent voir leur cohabitation comme un facteur d'espoir pour la réunification de l'île, contre vents et marées.

Niché dans la baie de Larnaca (sud-est), ce village de 1.800 âmes sous administration grecque et surveillance des Casques bleus est situé en pleine "zone tampon", secteur neutre qui scinde l'île méditerranéenne en deux depuis près de 44 ans.

Sur les panneaux comme dans les rues, grec et turc s'entremêlent.

Alors que le pays est divisé entre la République de Chypre, membre de l'Union européenne, et la République turque de Chypre nord (RTCN), reconnue seulement par Ankara, les habitants de Pyla n'ont, eux, jamais cessé de vivre ensemble.

Quitte à voguer à rebours de l'air du temps face à l'hypothèse grandissante d'une "solution à deux Etats", du fait des multiples échecs des pourparlers de réunification, dont ceux de l'été dernier à Crans-Montana (Suisse).

"C'est le seul village bi-communautaire de la zone tampon. Nous en sommes très fiers", explique à l'AFP le maire chypriote grec de Pyla, Simos Mytides. Avec le "mukhtar" (maire) chypriote turc, il organise chaque année des projets mêlant leurs communautés, comme un festival de musique.

"Pendant les pourparlers, Pyla a plusieurs fois été cité comme un exemple de vivre-ensemble", se félicite-t-il, en référence à Crans-Montana.

- 'Comme dans un cocon' -

Ce processus de réunification reste l'un des grands enjeux du scrutin du 28 janvier. Grand favori, le président Nicos Anastasiades (conservateur) a fait de sa poursuite une promesse de campagne.

Mais, mezza voce, cette solution fait face à un scepticisme grandissant, nourri par les échecs successifs des tentatives d'établir un Etat fédéral. En fin d'année, l'archevêque orthodoxe Chrysostomos II a suscité une controverse en évoquant, de manière inédite, la perspective d'un règlement sur la base d'une division de l'île.

A contre-courant, Pyla s'érige en symbole du vivre-ensemble.

"Nous vivons ici comme dans un cocon. Ce qu'il se passe en dehors (de la zone tampon) au niveau politique ne nous affecte pas vraiment", fait valoir Mehmet Pasha, 50 ans.

Propriétaire de la salle de sport du village, il vient de monter une équipe de rugby bi-communautaire. Et, en tant que résident de la République de Chypre, cet homme au crâne dégarni et au physique de boxeur a le droit de voter, comme les 600 Chypriotes turcs de Pyla.

"L'échec des pourparlers n'a eu aucun effet négatif sur nous. Nous continuons d'entretenir des relations chaleureuses entre voisins, d'échanger des plats traditionnels lors de nos fêtes religieuses respectives", affirme à l'AFP Baris Alibeyoglu, un étudiant chypriote turc.

Signe que le village reste un symbole d'espoir, le candidat de gauche Stavros Malas s'y est récemment rendu dans le cadre de la campagne.

"J'ai discuté avec lui. J'étais heureux qu'un candidat chypriote grec vienne ici se présenter", confie Baris Alibeyoglu. "Depuis, j'essaie de suivre la campagne autant que possible et je compte bien voter", assure-t-il.

- 'Pas besoin de l'ONU' -

Sur la place du village, difficile de ne pas remarquer les véhicules blancs de l'ONU: la mission des Nations unies à Chypre (Unficyp) est la seule habilitée à patrouiller.

Un peu plus loin, les traditionnelles activités de fin d'après-midi animent le café de la communauté grecque. Des septuagénaires jouent aux cartes et les dés claquent sur les plateaux de tavli, le backgammon local.

"Pourquoi doivent-il garantir quoi que ce soit? Nous n'avons pas besoin d'eux pour être en paix!", avance Tassos Sotiriou, 76 ans, en montrant le drapeau bleu ciel qui surplombe l'observatoire de l'ONU. "Je me sens comme un prisonnier à l'endroit même où je suis né."

Ce peintre à la retraite, fine moustache blanche et regard vif, accuse les grandes puissances --Grande-Bretagne, Turquie, Etats-Unis-- d'être responsables du statu quo. Mais il garde l'espoir de voir Chypre réunifiée, lui qui "regrette" l'avant-guerre, au risque de l'enjoliver.

"A l'époque, Chypre était un paradis. On ne pouvait pas distinguer qui était musulman, orthodoxe, grec ou turc", affirme-t-il. "La plupart des villages étaient comme Pyla."

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