A Raqa, encore détruite et minée, des falafels redonnent le sourire aux habitants

Auteur:
 
Par Delil SOULEIMAN - Raqa (Syrie) (AFP)
Publié le 17 janvier 2018 - 11:24
Image
Des enfants syriens achètent des falafels dans l'un des plus célèbres restaurants de ces boulettes de pois chiches frites, à Raqa le 9 janvier 2018
Crédits
© DELIL SOULEIMAN / AFP
Des enfants syriens achètent des falafels dans l'un des plus célèbres restaurants de ces boulettes de pois chiches frites, à Raqa le 9 janvier 2018
© DELIL SOULEIMAN / AFP

Au pied d'un immeuble à la façade éventrée de Raqa, un employé confectionne des boulettes de pois chiches qu'il plonge dans l'huile frémissante. Dans l'ex-capitale des jihadistes en Syrie, les habitants peuvent depuis peu déguster les légendaires "Falafels du roi".

Conquis à la mi-octobre par une coalition de combattants kurdes et arabes soutenue par Washington, l'ancien bastion du groupe Etat islamique (EI) dans le nord syrien tente lentement de revenir à la vie.

"Cela fait bientôt 15 jours qu'on a rouvert. 'Les Falafels du roi' sont célèbres ici", se réjouit Ammar Qassab, le propriétaire de ce petit restaurant du centre-ville où se presse la clientèle.

Dévastée par plusieurs mois de combats et de frappes aériennes, la métropole qui comptait autrefois 300.000 habitants est toujours privée d'eau courante et d'électricité.

Malgré les infrastructures ravagées et l'océan de mines enfouies par les jihadistes, plusieurs centaines de familles ont fait le pari du retour, pour reconstruire par leurs propres moyens leur maison détruite.

"Ma joie est indescriptible quand je vois les gens revenir dans la ville et manger ici à nouveau", s'enthousiasme M. Qassab, 33 ans.

Il dit vendre environ 1.200 sandwichs par jour, les habitants n'ayant pas toujours une cuisine en état pour préparer leurs repas.

- 'Plus belle qu'avant' -

Un petit attroupement d'hommes et de femmes attendent à l'entrée pour se faire servir. Le restaurant, une institution de la vie culinaire de Raqa depuis 40 ans, est resté ouvert quand les jihadistes se sont emparés de la ville en 2014.

Mais il y a un an, à l'approche des combats, il avait fermé ses portes.

Derrière son comptoir, le propriétaire étale de larges galettes de pain. Il écrase les falafels encore fumants, confectionnés notamment à partir de pois chiches et accompagnés de feuilles de salade et de tomates, avant d'arroser le tout d'une délicieuse sauce à base de sésame.

Sur le trottoir, près des monticules de gravats qui occupent un ancien jardin public, tables et chaises ont été installées pour accueillir les clients qui mordent dans leur sandwich à pleines dents.

"J'avais 10 ans quand je suis venu ici pour la première fois", raconte Issa Ahmed Hassan, attablé devant le restaurant. Il se souvient que sa famille appréciait spécialement le lieu pour son jardin.

Ce quinquagénaire aux cheveux blancs a été chassé de Raqa par l'EI il y a deux ans, comme toute la communauté kurde.

"Beaucoup de gens ne sont pas encore revenus. Si Dieu le veut la situation va s'améliorer et Raqa va être encore plus belle qu'avant".

- 'Grands perdants' -

Partout dans le centre de Raqa, la vie tente de reprendre ses droits.

Un pick-up transportant des citernes remplies d'eau effectue une tournée. Certains habitants commencent à reconstruire les murs de leurs maisons à l'aide de ciment et de briques de béton. Un vendeur de légumes expose tomates, choux-fleurs et oranges, et chez le boulanger, une longue file d'attente se forme pour l'achat de galettes de pain.

Mais malgré ce semblant de normalité, les habitants ont du mal à contenir leur colère.

"La situation est tragique, ma maison n'est plus qu'une ruine", déplore Abdel Sattar al-Abid, 39 ans, venu reconstruire sa demeure dans la vieille ville, sans attendre les opérations de déminage.

"J'ai risqué ma vie et suis entré sans faire attention aux mines. On vient de commencer les travaux", soupire ce papa de six enfants, dénonçant l'inaction des autorités locales.

"Les citernes nous apportent de l'eau mais on ne sait même pas d'où elle vient", déserpère-t-il.

Imane al-Faraj, 40 ans, est rentrée il y a trois semaines pour retrouver, elle aussi, sa maison en ruine.

"Il ne reste qu'une seule pièce. Je l'ai réparée et installé une porte, et c'est là qu'on habite tous", déplore cette mère de huit enfants, le visage en partie dissimulé par un voile ocre.

Un peu plus loin, un stand improvisé de carburant a fait son apparition, permettant aux habitants de faire fonctionner des chauffages de fortune.

"Nous sommes les grands perdants de cette guerre", lâche Ismaïl Amr, 45 ans, alors qu'il observe sa maison détruite depuis sa moto, le visage couvert de poussière.

"Il ne nous reste plus que destructions, mines, faim et pauvreté. Tout ce qu'on a perdu ne sera jamais remplacé".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.