Regain de tension au Soudan entre les militaires au pouvoir et la contestation

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Par Jay DESHMUKH, Abdelmoneim ABU IDRIS ALI - Khartoum (AFP)
Publié le 30 avril 2019 - 13:14
Mis à jour le 01 mai 2019 - 01:06
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Des militaires soudanais regardent les manifestants devant le siège de l'armée à Khartoum, le 29 avril 2019
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© OZAN KOSE / AFP
Des militaires soudanais regardent les manifestants devant le siège de l'armée à Khartoum, le 29 avril 2019
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Le principal groupe de la contestation au Soudan a appelé mardi à une marche d'un million de manifestants d'ici deux jours, après l'annonce par les militaires au pouvoir que leur chef, Abdel Fattah al-Burhane, dirigerait le futur Conseil conjoint avec les civils.

Objet de nombreux désaccords entre les contestataires et l'armée, ce Conseil conjoint est censé remplacer le Conseil militaire de transition qui a succédé au président Omar el-Béchir, destitué par l'armée le 11 avril.

Signe des tensions grandissantes entre les deux camps, l'un des chefs de l'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation, a accusé les militaires de ne pas envisager "sérieusement de céder le pouvoir au peuple".

"Le Conseil militaire maintient que le Conseil (conjoint) souverain devrait être dirigé par les militaires avec une représentation civile", a critiqué Mohammed Naji al-Assam, dénonçant la tentative des militaires "d'accroître leurs pouvoirs quotidiennement".

Les relations se sont d'autant plus tendues mardi que les militaires ont annoncé la mort de six membres des forces de sécurité, tués dans des heurts avec les manifestants, selon le chef-adjoint du Conseil militaire, Mohamad Hamdan Daglo.

La SPA a accusé les militaires d'avoir tenté de disperser le sit-in qui se tient depuis le 6 avril devant le QG de l'armée à Khartoum, ce qu'ils ont nié, réaffirmant qu'ils "n'utiliseront pas la violence contre les manifestants".

En première ligne de la contestation, l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC) a alors appelé "à une marche d'un million (de manifestants) le 2 mai pour affirmer notre principale revendication, qui est celle d'un pouvoir civil", selon un communiqué.

Le Soudan est le théâtre depuis décembre d'un mouvement de contestation, déclenché par le triplement du prix du pain et qui a conduit à la destitution de M. Béchir, aujourd'hui incarcéré.

Les protestataires réclament désormais la dissolution du Conseil militaire de transition et le transfert du pouvoir à une administration civile.

- Discussions bloquées -

Mardi, le général Salah Abdelkhalek, membre du Conseil militaire, a annoncé que le chef de cette instance, Abdel Fattah al-Burhane, serait "le chef du (futur) Conseil souverain".

Les deux camps sont parvenus samedi à un compromis avec la création d'un Conseil conjoint mais les discussions achoppent désormais sur sa composition et le nombre de ses membres.

Les représentants de la contestation proposent un conseil de 15 membres, dont huit civils, et l'armée de 10 membres, dont sept militaires.

Ce conseil deviendrait l'autorité suprême du pays et serait chargé de former un nouveau gouvernement civil de transition pour gérer les affaires courantes et ouvrir la voie aux premières élections post-Béchir.

Selon M. Assam, la SPA devrait présenter ses propositions au Conseil militaire "dans les prochaines heures".

Un porte-parole du Conseil militaire, le général Chamseddine Kabbachi, avait auparavant affirmé que les deux camps s'étaient mis d'accord sur la réouverture de routes et de chemins de fer bloqués par les manifestants autour du QG de l'armée.

Mais l'ALC, qui regroupe les partis politiques et groupes de la société civile, a nié tout accord en ce sens.

Elle a appelé les manifestants à maintenir leur sit-in et les barricades à Khartoum, prévenant les militaires que "les sit-in et les marches continueraient jusqu'à ce que les objectifs de la révolution soient atteints".

- "Escalade" -

Des véhicules militaires avec des armes automatiques ont été déployés dans le centre de Khartoum, selon un correspondant de l'AFP.

Auparavant, des manifestants avaient renforcé des barricades, expliquant à l'AFP ne pas vouloir que "des véhicules militaires entrent dans la zone du sit-in".

D'autres ont brandi le drapeau soudanais ou surveillé depuis les toits d'éventuels mouvements de troupes, a confié un témoin.

A Bahari, en banlieue nord de la capitale, des dizaines de manifestants ont brûlé des pneus et bloqué des routes pour protester contre le Conseil militaire, selon un journaliste de l'AFP.

Lundi, le général Kabbachi avait estimé que les points de contrôle établis par les manifestants devant le QG de l'armée menaçaient "la sécurité et à la stabilité publiques".

Il avait aussi fait état de "pillages, de violences sur des citoyens, de routes bloquées, d'attaques contre les forces de sécurité et d'entraves empêchant les trains de transporter des produits essentiels".

Le Conseil militaire, en tant que responsable de la protection des citoyens, "mettra fin à ces tentatives", a-t-il prévenu.

"Le Conseil militaire a utilisé de manière claire le langage de l'escalade, ce qui n'incite pas à devenir partenaires", a estimé Madani Abbas Madani, l'un des chefs de la contestation.

Pour M. Assam, "la communauté internationale doit soutenir les choix du peuple soudanais".

L'émissaire de l'Union africaine pour le Soudan, Mohamed Al-Hassan Ould Labbat, a rencontré mardi deux membres du Conseil militaire, a indiqué l'instance.

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