Echanges virulents entre Moscou et les puissances occidentales sur les pouvoirs renforcés de l'OIAC

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Par Danny KEMP - La Haye (AFP)
Publié le 19 novembre 2018 - 05:00
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Le siège de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques à La Haye, le 4 avril 2018
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© Bart Maat / ANP/AFP
Le siège de l'OIAC à La Haye, le 4 avril 2018
© Bart Maat / ANP/AFP

Les grandes puissances se sont mutuellement accusées "d'hypocrisie" et de "mensonges" lundi lors d'une réunion sur les nouveaux pouvoirs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, qui lui permettent d'identifier les auteurs d'attaques chimiques, comme celles perpétrées cette année en Syrie et en Angleterre.

Il s'agit de la première conférence à l'OIAC, qui siège à La Haye, depuis qu'une majorité des 193 Etats membres a voté en juin en faveur du renforcement des pouvoirs de l'organisation, en l'autorisant à désigner l'auteur d'une attaque chimique et non plus seulement à documenter l'utilisation d'une telle arme.

L'OIAC peut désormais attribuer la responsabilité de futures attaques chimiques partout dans le monde, à condition que le pays sur le territoire duquel cela s'est produit le demande.

Ce nouveau pouvoir s'est trouvé lundi au centre des débats opposants Moscou, Pékin et Damas aux Occidentaux puissances occidentales.

Soutenue par la Chine et l'Iran, la Russie a appelé à des votes de dernière minute sur le budget de l'OIAC et sur la création d'un "groupe d'experts" chargé d'examiner le nouveau rôle de l'organisation.

Un comportement qui a fait sortir de leurs gonds les représentants des États-Unis et du Royaume-Uni qui ont accusé Moscou et ses alliés d'essayer de "faire marche arrière sur l'histoire".

- "Hypocrisie flagrante" -

Les puissances occidentales, qui attribuent à Damas la responsabilité d'attaques chimiques présumées en Syrie et soupçonnent le Kremlin d'être derrière l'empoisonnement d'un ex-espion russe en Angleterre, tiennent à ce que les travaux de l'OIAC, visant à identifier les auteurs, commencent comme prévu début 2019.

Les déclarations occidentales sur l'utilisation d'armes chimiques par Damas et Moscou sont une "arnaque" et des "mensonges", a lâché le représentant de la délégation russe Alexander Shulgin.

Les nouvelles prérogatives conférées à l'OIAC sont "illégitimes" et outrepassent le cadre de l'organisation, a-t-il déclaré, avant d'être accusé d'"hypocrisie flagrante" par son homologue américain Kenneth Ward.

"Qu'est-ce qu'ils (les Russes) ont fait ces dernières années si ce n'est de s'entendre avec leur allié syrien pour enterrer la vérité sur ce qui s'est passé en Syrie, ainsi que sur les morts tués lors de l'utilisation d'armes chimiques par le régime d'Assad?", a fustigé M. Ward.

Attaques chimiques répétées en Syrie depuis 2013, ex-agent russe Sergueï Skripal empoisonné à l'agent innervant Novitchok en mars en Angleterre, empoisonnement au VX du demi-frère du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un en Malaisie en 2017: le rôle de l'OIAC, lauréate du prix Nobel de la Paix en 2013, s'est considérablement étendu ces dernières années.

- "Où est votre moralité?" -

Les puissances occidentales ont "appris aux gens à utiliser des armes chimiques" après leur apparition au cours de la Première guerre mondiale, a enchéri le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Faisal Mekdad, selon qui Damas "n'a jamais utilisé" de telles armes.

"Où est votre moralité? C'est de la pure hypocrisie et des purs mensonges, je souhaite utiliser un langage aussi peu diplomatique", a-t-il lancé.

La proposition russe de faire voter la mise en place d'un groupe d'experts "au mieux" retarderait indéfiniment le rôle d’attribution "et c’est quelque chose que nous ne pouvons accepter", a souligné l'ambassadeur français Philippe Lalliot.

Les Etats membres procèderont mardi à un vote inédit sur le budget et s'exprimeront également sur la proposition russe de créer un groupe d'experts.

Les Etats membres sont réunis pour la première fois après que les autorités néerlandaises ont appréhendé en avril et expulsé quatre agents russes accusés de préparer une cyberattaque visant le siège de l'OIAC à La Haye. L'organisation enquêtait alors sur l'affaire Skripal ainsi que sur une attaque chimique présumée en Syrie.

Selon son nouveau directeur Fernando Arias, l'organisation est en train de mettre en place une équipe, composée d'une dizaine de membres, avec pour objectif de désigner les responsables des attaques chimiques perpétrées en Syrie depuis 2013.

"La norme internationale contre l'utilisation d'armes chimiques a été mise à rude épreuve" et leur "utilisation répétée pose un défi qui doit être relevé avec une résolution forte et unifiée", a déclaré M. Arias lundi.

L'OIAC doit bientôt publier un rapport complet sur l'attaque commise dans la ville syrienne de Douma en avril. Des résultats préliminaires avaient indiqué un possible recours au chlore mais pas l'usage de gaz innervant.

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