Sanctions US : Erdogan demande le gel des avoirs en Turquie de ministres américains

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Par Luana Sarmini-Buonaccorsi avec Stuart Williams à Istanbul - Ankara (AFP)
Publié le 04 août 2018 - 16:15
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Photo fournie par la présidence turque de Recep Tayyip Erdogan et de sa femme Emine le 4 août 2018à Ankara lors d'une réunion publique de son parti, l'AKP.
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© Handout / TURKISH PRESIDENTIAL PRESS SERVICE/AFP
Photo fournie par la présidence turque de Recep Tayyip Erdogan et de sa femme Emine le 4 août 2018à Ankara lors d'une réunion publique de son parti, l'AKP.
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Le président turc Recep Tayyip Erdogan a demandé samedi le gel en Turquie des avoirs de responsables américains, répliquant à des sanctions similaires prises par Washington en lien avec la détention d'un pasteur américain.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a toutefois semblé vouloir freiner l'escalade de tensions entre les deux pays, pourtant alliés au sein de l'Otan, à un moment où l'économie turque déjà fragile pourrait être lourdement affectée par davantage de sanctions économiques.

"Jusqu'à hier soir nous sommes restés patients. Aujourd'hui j'en donne l'instruction : nous gèlerons les avoirs en Turquie des ministres américains de la Justice et de l'Intérieur, s'ils en ont", a déclaré M. Erdogan lors d'un discours télévisé à Ankara.

Cette déclaration est une réponse directe à la décision américaine de sanctionner mercredi les ministres turcs de l'Intérieur, Süleyman Soylu, et de la Justice, Abdülhamit Gül.

Tous deux sont visés pour leur rôle présumé dans le procès qui vise Andrew Brunson, un pasteur américain accusé en Turquie d'activités "terroristes" et d'espionnage.

M. Brunson, qui nie fermement ces accusations, a été placé en résidence surveillée la semaine dernière après un an et demi de détention.

Il était toutefois peu clair samedi si le président turc faisait référence au ministre de l'Intérieur, Ryan Zinke, essentiellement chargé des Parcs nationaux et des affaires indiennes, ou de la ministre de la Sécurité intérieure, Kirstjen Nielsen.

Interrogés par l'AFP, des responsables turcs n'ont pas donné davantage de détails.

- "Risque de nouvelles sanctions" -

Les sanctions américaines consistent en la saisie des biens et avoirs de MM Soylu et Gül, et à l'interdiction pour tout ressortissant américain de faire affaire avec ces responsables turcs.

Les deux ministres ont néanmoins assuré n'avoir aucun bien aux Etats-Unis, tout comme il est peu probable que les ministres américains visés par M. Erdogan en aient en Turquie, ce qui rend ces sanctions très symboliques.

Il est toutefois "significatif et sans précédent que deux alliés de l'Otan sanctionnent des membres de leurs gouvernement respectifs", souligne l'ex-diplomate américaine Amanda Sloat, désormais chercheuse pour le think tank Brookings Institution.

Malgré cela, elles peuvent, selon des experts, avoir un impact sur une économie turque fragilisée par une forte inflation et une monnaie affaiblie.

La livre turque s'échange depuis mercredi soir à plus de 5 TRY contre un dollar, un plus bas historique.

"Il y a un risque de nouvelles sanctions à venir (..) qui pourraient frapper plus directement au coeur les intérêts du gouvernement turc et qui auraient le potentiel de provoquer une fuite de la livre", estime Anthony Skinner du cabinet de consultants en risques Verisk Maplecroft.

M. Erdogan a ainsi semblé samedi vouloir éviter que la situation ne s'envenime d'avantage.

"Nous ne voulons pas être partie de jeux perdant-perdant. Déplacer une dispute politique et judiciaire sur le terrain économique nuit aux deux pays", a-t-il tempéré samedi.

Le chef de l'Etat a également assuré que les canaux diplomatiques travaillaient "très intensément", et qu'il pensait qu'une "partie significative des sujets de désaccord seront bientôt derrière" les alliés.

- "Enjeux économiques" -

S'exprimant au lendemain d'une rencontre avec son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu, en marge d'un forum régional à Singapour, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo s'était montré optimiste samedi matin.

"Il est grand temps que le pasteur Brunson soit libre, autorisé à rentrer aux Etats-Unis", avait-il déclaré dans une conférence de presse, avant le discours de M. Erdogan. "J'ai bon espoir que cela va se réaliser dans les jours à venir".

D'autres sujets épineux contribuent à tendre les rapports entre les deux pays : Ankara reproche notamment à Washington son soutien à une milice kurde en Syrie et son refus d'extrader le prédicateur Fethullah Gülen, que M. Erdogan désigne comme le cerveau du putsch avorté de juillet 2016.

Installé aux Etats-Unis depuis 1999, l'intéressé dément toute implication.

De leur côté, les Etats-Unis ont vivement protesté contre l'arrestation d'employés locaux des missions américaines en Turquie, accusés d'activités "terroristes".

"Donald Trump ne reculera pas tant que M. Brunson ne sera pas rentré et M. Erdogan ne voudra pas avoir l'air de capituler face aux Américains", estime Mme Sloat, mettant en garde contre "une escalade (qui) ne ferait que compliquer les efforts pour s'en sortir".

"Compte tenu des enjeux économiques élevés pour la Turquie, un accord est plus probable qu'improbable", affirme M. Skinner. "M. Erdogan a un bilan inégalé en matière de jeu avec le feu, mais il sait aussi lorsqu'il a avancé trop loin sur les charbons".

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