Une momie d'Equateur, clé pour savoir comment une grave maladie a atteint l'Europe

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Par Paola LOPEZ - Quito (AFP)
Publié le 31 janvier 2019 - 07:45
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Le Français Philippe Charlier (d), médecin légiste, anthropologue et paléontologiste, examine une momie, le 30 janvier 2019 à Quito, en Equateur
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© Rodrigo BUENDIA / AFP
Le Français Philippe Charlier (d), médecin légiste, anthropologue et paléontologiste, examine une momie, le 30 janvier 2019 à Quito, en Equateur
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Sa peau ressemble à du carton, ses mains sont percées de trous. Ce corps momifié datant du XVIe siècle, découvert en Equateur, serait la clé pour retracer l'histoire d'une douloureuse maladie des articulations, qui s'est répandue depuis l'Amérique en Europe.

"C'est une momie extrêmement importante pour l'histoire des maladies", a précisé à l'AFP le médecin légiste, anthropologue et paléontologiste Philippe Charlier, directeur du département de la recherche et de l'enseignement du musée du Quai Branly à Paris.

L'expert français s'est rendu à Quito pour analyser les restes de ce "patient", au laboratoire de l'Institut national du patrimoine culturel. Le corps momifié présente des marques permettant de tracer l'origine de la polyarthrite rhumatoïde, et sa traversée jusqu'en Europe.

Selon l'INPC, il s'agirait d'un moine d'origine espagnole. Mais des études en cours pour déterminer son identité pourraient donner un autre résultat.

La sépulture de la momie, identifiée par l'institut comme celle du frère Lazaro de la Cruz de Santofimia, était inhabituelle: elle a été découverte entre les murs du couvent de l'Assomption à Guano, dans la province de Chimborazo (centre andin).

- Une tombe atypique -

A la différence d'autres corps enterrés dans des églises, en position horizontale dans des cercueils, la momie de Guano était dressée, sans autre protection que les murs de pierre, avec auprès d'elle un rat naturellement momifié aussi.

Conservé dans une atmosphère froide et sèche, le corps n'a pas été altéré par les mouches et les larves, ce qui a permis la préservation des tissus portant les marques de la polyarthrite rhumatoïde.

Cette maladie inflammatoire des articulations, propre au continent américain, intéresse le Dr Charlier, qui a par ailleurs étudié les restes de Hitler, Descartes, Robespierre et du premier homme de Cro-Magnon.

"C'est une maladie fréquente maintenant, mais son foyer d'origine est en Amérique, avant l'arrivée de Christophe Colomb", a expliqué mercredi cet expert, ajoutant que "la momie de Guano, c'est peut-être le chaînon manquant (...) qui va nous permettre de comprendre comment cette maladie, qui était américaine à l'origine, est devenue ensuite une maladie mondiale par hybridation, par la confrontation entre deux mondes".

- Un moine franciscain? -

Un tremblement de terre, survenu dans le centre andin de l'Equateur en 1949, avait mis à jour l'étrange sépulture du présumé moine franciscain et gardien du couvent de 1560 à 1565, selon l'Université San Francisco de Quito, qui participe aux recherches.

"La momie de Guano rentre dans ce cadre des momies atypiques et des morts atypiques, et des sépultures atypiques" du fait de la position dans laquelle elle a été découverte et du fait de l'absence d'éléments chrétiens tel qu'un chapelet, et d’un cercueil, selon le Dr Charlier.

Les recherches n'ont pas encore permis de définir la date de la mort, mais ont déterminé sa cause la plus probable: une fistule au menton qui a dégénéré en abcès, puis en septicémie ou en encéphalite.

Il reste aussi à confirmer l'identité de la momie par l'étude des registres de l'ordre franciscain.

Les textiles recouvrant le corps pourraient fournir une piste. "Ce qu'il a sur lui, n'est pas du tout le vêtement d'un frère franciscain. Un frère franciscain a une robe de bure, généralement de couleur brun foncé, et pas des vêtements de qualité comme on peut en voir sur ce monsieur là", a précisé l'expert français.

Philippe Charlier a pu étudier la momie durant deux jours. Pour son transfert depuis Guano, les techniciens de l'INPC avaient fabriqué sur mesure un cercueil en éponge, dont le corps n'a été retiré que sous le regard attentif du médecin légiste, arrivé mardi à Quito.

Il a prélevé des échantillons d'os et de tissus secs afin de procéder à des analyses génétiques et au carbone 14.

"Les morts sont aussi vivants que nous. Nous, on est des futurs morts. Donc pour moi, c'est une chaîne, une chaîne continue. Et il n'y a aucun caractère morbide: je ne travaille pas sur les morts parce que la mort m'intéresse, je travaille sur les morts parce qu'ils ont beaucoup de choses à nous raconter", a-t-il souligné.

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