Caracas sous pression après la mort d'un opposant en prison

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Par AFP - Caracas
Publié le 09 octobre 2018 - 12:03
Mis à jour le 10 octobre 2018 - 11:48
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Des Vénézuéliens opposés au président Nicolas Maduro manifestent devant le siège des services de renseignement où, selon les autorités, l'opposant Fernando Alban s'est suicidé, à Caracas le 8 ocotbre
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© Juan BARRETO / AFP
Des Vénézuéliens opposés au président Nicolas Maduro manifestent devant le siège des services de renseignement où, selon les autorités, l'opposant Fernando Alban s'est suicidé, à C
© Juan BARRETO / AFP

De l'ONU à l'Union européenne en passant par l'Organisation des États américains, les demandes d'enquête indépendante se multiplient après la mort de l'opposant vénézuélien emprisonné Fernando Alban, un suicide selon les autorités, un assassinat pour l'opposition.

Fernando Alban, 52 ans, était emprisonné depuis vendredi dans l'affaire de l'attaque présumée aux drones explosifs contre le président Nicolas Maduro. Lundi, il "a demandé à aller aux toilettes et une fois là-bas, il s'est jeté dans le vide depuis le dixième étage", a affirmé le procureur général Tarek William Saab, qui a annoncé une "enquête complète".

Mardi à la mi-journée, son cercueil recouvert d'un drapeau vénézuélien a été transféré dans les jardins du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition, où les honneurs lui ont été rendus.

Le cercueil a ensuite été acheminé à l'Université centrale du Venezuela, où a été aménagée une chapelle ardente pour une veillée funèbre.

Le parti de Fernando Alban, Primero Justicia (La Justice d'abord), a dénoncé un "assassinat". "Nous tenons pour responsable Maduro et son régime tortionnaire", a-t-il indiqué dans un communiqué.

Constatant des "informations contradictoires sur ce qui s'est passé", le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a réclamé mardi une "enquête transparente pour clarifier les circonstances de sa mort".

"Fernando Alban était détenu par l'État. L'État avait l'obligation d'assurer sa sécurité, son intégrité personnelle", a souligné une porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU, Ravina Shamdasani, lors d'un point de presse à Genève.

L'UE a elle aussi appelé à une "enquête approfondie et indépendante afin de clarifier les circonstances de la mort tragique du conseiller Alban", a déclaré Maja Kocijancic, porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, rappelant qu'"il est du devoir de l'État d'assurer la sécurité et l'intégrité physique de toutes les personnes en détention".

- "Pas un suicide!" -

Lundi soir, des dizaines de personnes avaient participé avec des bougies à une veillée devant le siège des services de renseignement (Sebin), en criant, sous l'oeil des policiers: "Ce n'est pas un suicide, c'est un homicide!"

Le ministre de l'Intérieur et de la Justice, Nestor Reverol, a déclaré que Fernando Alban s'était suicidé alors qu'il allait être déféré devant un tribunal et affirmé qu'il était "impliqué dans des actes de déstabilisation dirigés depuis l'étranger".

Ce conseiller municipal d'un arrondissement de Caracas avait été arrêté vendredi. Il était accusé d'avoir participé à une attaque présumée aux drones explosifs, le 4 août, alors que le chef de l'Etat socialiste prononçait un discours lors d'un défilé militaire.

L'opposition, qui dénonce une mise en scène, conteste cette version de ce que les autorités appellent un "attentat". Une trentaine de personnes, dont des militaires en activité, ont été arrêtées dans le cadre de cette affaire.

Selon le gouvernement, le fondateur de Primero Justicia, Julio Borges, une figure de l'opposition qui vit en exil en Colombie, est le commanditaire de cette attaque présumée.

"Assassins!", a écrit sur Twitter M. Borges, qui avait rencontré Fernando Alban à New York la semaine précédant son arrestation. Selon lui, son corps "a été lancé sans vie depuis l'immeuble du Sebin".

Le chef de l'État socialiste ne s'est pas encore exprimé sur ce dossier.

- "Suspect" -

Le secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains (OEA), Luis Almagro, a condamné le décès de l'opposant, incriminant sur Twitter "la responsabilité directe d'un régime tortionnaire et meurtrier".

L'ambassade des États-Unis à Caracas a qualifié de "suspect" le décès de l'opposant, qui constitue, selon elle, "une nouvelle violation des droits de l'Homme".

Le groupe de Lima a lui aussi demandé au gouvernement vénézuélien de mener une enquête "indépendante entérinée internationalement", selon un communiqué signé par 11 des 14 pays américains membres de ce groupe créé en 2017 pour aider à résoudre la crise au Venezuela.

"Jusqu'à hier (dimanche), on savait qu'il était serein. Il avait même envoyé des directives à son équipe pour continuer à travailler en faveur des pauvres", a souligné l'archidiocèse de Caracas, très critique du gouvernement. Le conseiller municipal participait à des oeuvres sociales au côté de l'Église.

L'avocat de Fernando Alban, Joel Garcia, a déclaré à la presse qu'il était trop tôt pour confirmer s'il s'agissait d'un suicide ou non.

En septembre 2017, un autre membre de Primero Justicia, Carlos Garica, maire de Guasdualito (ouest), était décédé à l'hôpital où il avait été transféré, deux semaines après avoir été victime d'un accident vasculaire cérébral en prison. Il y était resté détenu dix mois par les services de renseignement.

L'ONG Foro Penal décompte quelque 236 "prisonniers politiques" au Venezuela.

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