Budget et pouvoir d'achat : le Sénat revigoré

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Par Véronique MARTINACHE - Paris (AFP)
Publié le 18 décembre 2018 - 11:00
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"Allez-vous enfin écouter le Sénat ?" : ces mots ont maintes fois résonné dans l'hémicycle du palais du Luxembourg ces dernières semaines
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© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP/Archives
"Allez-vous enfin écouter le Sénat ?" : ces mots ont maintes fois résonné dans l'hémicycle du palais du Luxembourg ces dernières semaines
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"Allez-vous enfin écouter le Sénat ?" : ces mots ont maintes fois résonné ces dernières semaines dans l'hémicycle du palais du Luxembourg, la majorité sénatoriale de droite profitant des revirements de l'exécutif sur le pouvoir d'achat, sous pression des "gilets jaunes", pour vanter sa clairvoyance.

Dès l'ouverture des débats il y a un mois du projet de budget pour 2019, le rapporteur a annoncé la couleur : il a rappelé que l'année dernière déjà, la droite sénatoriale avait mis en garde le gouvernement contre une augmentation de la taxe sur les carburants, "insupportable en cas de hausse des cours du pétrole".

Jean-François Husson (LR) avait anticipé "une nouvelle vague de +bonnets rouges+". "Même si nous sommes face à des +gilets jaunes+, ses prévisions se vérifient, alors qu’on lui avait ri au nez à l’époque", a tancé le rapporteur général du budget, Albéric de Montgolfier (LR) le 22 novembre.

Une semaine plus tard, "la chambre des territoires" votait le gel de la taxe sur les carburants au niveau de 2018. Contre l'avis du gouvernement.

La socialiste Catherine Conconne l'exhortait alors à prendre la main tendue par le Sénat. "Le Sénat, c'est le monde de la proximité (...) qui connaît la ruralité, la France d'en bas, écoutez-nous".

Dix jours plus tard - alors que la violence montait en puissance dans la rue en marge du mouvement des "gilets jaunes" dénonçant la baisse du pouvoir d'achat - le gouvernement se ralliait finalement à la proposition du Sénat, annulant les hausses de la taxe carburants pour 2019.

Une volte-face accueillie avec satisfaction par les sénateurs, mais non sans une certaine ironie, voire des signes d'exaspération devant ce que Nathalie Goulet (centriste) qualifiera de "gestion au doigt mouillé".

"Cette désorganisation aurait pu être évitée si le gouvernement avait tenu compte plus tôt des positions exprimées par la Haute Assemblée", chapitrait à son tour la semaine dernière le président du groupe PS, Patrick Kanner, applaudi sur les bancs de la droite.

"A nos propositions sur la prime d'activité ou la CSG des retraités, par exemple, le gouvernement a toujours répondu : +halte aux dépenses+", regrettait-il, rappelant une phrase prononcée par le Premier ministre Edouard Philippe devant les sénateurs une semaine plus tôt: "en peu de mots, on dépense beaucoup d'argent public".

- "C'est un métier" -

"Sans doute s'adressait-il, par anticipation, au président de la République?", raillait M. Kanner. La veille, le président avait annoncé une exemption de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros, la défiscalisation des heures supplémentaires et des primes de fin d'année et une augmentation de 100 euros pour les salariés au niveau du Smic

Le gouvernement vient aussi d'annoncer le report de la réforme des institutions qui prévoit notamment la réduction d'un tiers du nombre de parlementaires et la limitation du cumul des mandats dans le temps.

Par leurs liens avec les territoires, les sénateurs ont "une capacité à sentir ce qui ce passe, ce qui n'est plus beaucoup le cas de l'Assemblée nationale", estime auprès de l'AFP Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po. "C'est là qu'on voit que la politique c'est aussi un métier".

"Dans le contexte où vous avez une partie des +gilets jaunes+ qui veut supprimer le Sénat, c'est un peu étrange", analyse le politologue. "Ce mouvement exprime des revendications des territoires, mais c'est vrai que peu à peu s'est créée une image caricaturale du Sénat, alors que la qualité de son travail, depuis des décennies, est assez remarquable", selon lui.

De quoi apporter de l'eau au moulin du bicamérisme, défendu à tout crin par le président du Sénat Gérard Larcher.

Et renforcer Albéric de Mongolfier (LR) qui a enfoncé le clou, face à un gouvernement engagé dans une course contre la montre pour faire entrer dans la loi les mesures annoncées par Emmanuel Macron sous la pression des "gilets jaunes".

"Depuis quelques jours, les événements vous ont ramenés à la réalité (...). Si vous aviez écouté le Sénat, nous n'en serions pas là !". Et de trancher: "Notre seul tort est d'avoir eu raison trop tôt".

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