"Gilets jaunes" : Macron expose Philippe pour mieux se protéger

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Par Marc PREEL avec Laurence BENHAMOU - Paris (AFP)
Publié le 21 décembre 2018 - 11:36
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Le Premier ministre Edouard Philippe à Saint-Yrieix-la-Perche le 21 décembre 2018
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© Thomas SAMSON / AFP
Le Premier ministre Edouard Philippe à Saint-Yrieix-la-Perche le 21 décembre 2018
© Thomas SAMSON / AFP

La crise des "gilets jaunes" expose Edouard Philippe dans une position de bouclier d’Emmanuel Macron, voire de "bouc-émissaire" des ratés et des mauvaises nouvelles de l'exécutif.

Vendredi, le Premier ministre effectue en Haute-Vienne son premier déplacement en province depuis les premières manifestations de la mi-novembre, à la rencontre des maires ruraux et des "gilets jaunes" du département.

Lors de ce délicat déplacement de terrain, le chef du gouvernement passera dans l’après-midi à... Limoges, ville emblème depuis la Première guerre mondiale des généraux "limogés" et punis. Pied de nez - involontaire jure son entourage - à ceux qui pronostiquent son proche départ?

"Vous nous regretterez!", plaisante à moitié un conseiller, quand fleurissent dans la presse des listes d'hypothétiques successeurs, de Xavier Bertrand à François Bayrou en passant par Jean-Paul Delevoye, Jean-Michel Blanquer ou Jean-Yves Le Drian. Un nouveau Premier ministre? "Au plus tard aux Européennes", assurent beaucoup dans la majorité. "Et avant, en cas de nouvel accident", complètent les plus sceptiques.

Face à un mouvement qui s’en est beaucoup pris à lui, Emmanuel Macron cherche depuis deux semaines à déporter au maximum ce statut de "bouc-émissaire" sur son Premier ministre, confie un des proches du chef de l’Etat. "C’est le jeu, c’est ça la Ve République", reconnaît un conseiller.

- Macron "marqué" par les insultes et les huées -

Le 4 décembre dernier, le président de la République rentre "marqué" d'un déplacement au Puy-en-Velay en Haute-Loire, lors duquel il a été hué et insulté par des badauds.

"Le président a alors choisi de remettre Philippe au premier plan, pour en faire un bouc-émissaire", explique ce proche. Puisque Edouard Philippe et quelques autres poussaient pour ne pas lâcher trop de lest aux "gilets jaunes", la "défaite de la +droite dans ses bottes+ " doit être visible, précise-t-il.

Au président, ce jeudi, de rendre visite à des enfants placés dans l’Aisne, ou d’écrire "vous avez raison" aux plus d'un million de signataires de la pétition en ligne sur les prix trop élevés des carburants, déclencheur de la crise.

Au président, aussi, d’annoncer les gestes pour apaiser les "gilets jaunes".

Et à son Premier ministre de les traduire en mesures concrètes, quitte à susciter des déceptions, comme le fait qu’une partie des salariés au Smic ne pourront pas bénéficier des 100 euros par mois promis par le président.

A Matignon, encore, de confirmer mardi à l’AFP que le gouvernement veut abandonner une partie des premières petites mesures promises aux "gilets jaunes" mi-novembre, avant de rétropédaler en catastrophe face au tollé.

Selon des sources concordantes, l'Elysée avait pourtant bien validé la décision initiale -même si on ignore si le président lui-même avait été mis au courant. "On lit beaucoup que la fracture avec les politiques sociales est à Matignon. Or, elle est plutôt à l’Elysée...", défend un député LREM issu de la gauche.

A Matignon, on endosse sans trop broncher ce rôle de père Fouettard, qui garde un oeil sur les finances publiques quand l’exécutif multiplie les reculades.

- "Il faudra bien faire des économies" -

"Un jour il faudra bien faire des économies...", soupire un conseiller, en regrettant le "tête-à-queue" sur "l’annulation de l’annulation" alors que "c'est la machine Matignon qui tient l'Etat depuis le début de la crise".

Edouard Philippe doit aussi affronter l’offensive de ceux, comme le président du MoDem François Bayrou, qui pestent auprès d'Emmanuel Macron sur les choix "techno-juppéistes" de Matignon et de Bercy.

De là à claquer la porte? "Je craignais qu'il parte. Et on était plusieurs à le craindre", confesse une députée proche de la ligne du Premier ministre. "Il est en pétard", assure une source parlementaire proche du locataire de Matignon. Et "fatigué": les ministres décrivent ces derniers jours un chef du gouvernement affaibli.

Ces dernières semaines, Edouard Philippe a par deux fois plaisanté publiquement sur sa durée de vie à Matignon, qui sera quoi qu’il arrive plus courte que son mandat de maire du Havre (6 ans et demi).

"Il se projette après les Européennes à Matignon", assure toutefois un de ses amis ex-LR, qui avec d’autres souligne la "loyauté" d’Edouard Philippe quand il s’agit du "patron", Alain Juppé naguère, et aujourd’hui Emmanuel Macron.

"Je sais encaisser les coups, mais je sais aussi en donner", a assuré l’ancien maire du Havre -et boxeur amateur- devant des députés mardi soir. Un match à suivre.

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