Justice : une réforme "ambitieuse" mais controversée devant l'Assemblée lundi

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Par Pierre ROCHICCIOLI - Paris (AFP)
Publié le 17 novembre 2018 - 11:36
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La ministre de la Justice Nicole Belloubet, le 14 novembre 2018 à Paris
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© ludovic MARIN / AFP/Archives
La ministre de la Justice Nicole Belloubet, le 14 novembre 2018 à Paris
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L'Assemblée nationale examine à partir de lundi une réforme de la Justice défendue comme "ambitieuse" par la garde des Sceaux Nicole Belloubet, mais critiquée par les magistrats, les avocats et l'opposition qui craignent notamment un éloignement du justiciable.

Mon "ambition" est de "construire une justice plus lisible, plus accessible, plus simple et plus efficace", a martelé Nicole Belloubet depuis la présentation de son projet de loi en avril.

La justice française souffre depuis des années d'un manque de moyens avec des tribunaux engorgés et des prisons surpeuplées.

Il est prévu une hausse de 1,3 milliard d'euros du budget justice qui doit passer à 8,3 milliards d'ici à 2022, dans le cadre d'un projet de loi de programmation qui sera examiné en premier.

Ces moyens supplémentaires permettront la création de plus de 6.500 emplois, la livraison de 7.000 nouvelles places de prison et le lancement de 8.000 autres, ainsi que la création de 20 centres éducatifs fermés pour mineurs.

L'autre volet au menu, le projet de loi centré sur le fond de la réforme, s'articule autour de quelques priorités comme le renforcement de l'efficacité de l'organisation judiciaire et de la procédure pénale, l'instauration de peines plus efficaces ou la simplification de la procédure civile.

Devant la commission des Lois de l'Assemblée, Nicole Belloubet a également vanté une réforme axée sur "la défense des victimes", avec la plainte en ligne pour les agressions sexuelles, la création d'un tribunal criminel pour "éviter de correctionnaliser les viols" ou la création d'un juge de l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme (JIVAT).

Parmi les mesures les plus controversées figurent la création d'un parquet national antiterroriste, ajoutée via un amendement du gouvernement, et la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance.

- "Pas à la hauteur" -

Le texte, examiné en première lecture dès octobre au Palais du Luxembourg, avait été largement amendé par les sénateurs, au grand dam de la ministre qui a évoqué des mesures "parfois vidées de leur substance".

Ces derniers avaient notamment voté une rallonge pour atteindre un budget global de 9 milliards d'euros, et un droit pour les suspects à être assistés par un avocat lors d'une perquisition.

Ils s'étaient opposés à la création du parquet antiterroriste et à la mise en place d'une procédure de comparution différée, intermédiaire entre comparution immédiate et ouverture d'information judiciaire, en défendant la place du juge face à l'accroissement des prérogatives du parquet.

Mais ces modifications ont été annulées par la commission des Lois de l'Assemblée, qui est revenue au texte initial qu'elle a enrichi de propositions des députés, comme sur le travail et les chantiers d'insertion en prison qui seront favorisés.

La commission a également raccourci de deux ans le délai de séparation de fait au-delà duquel il est possible de demander un divorce et élargi les droits des "majeurs protégés" placés notamment sous tutelle ou curatelle.

Le texte reste cependant toujours mal accepté par magistrats et avocats dont plusieurs centaines ont manifesté encore jeudi devant l'Assemblée pour une "justice humaine et accessible".

Certains redoutent des fermetures de sites, d'autres mettent en balance la dématérialisation des procédures et les risques de fracture numérique, d'autres encore dénoncent un recul de la présence et du contrôle des juges.

L'opposition est également critique. Jean-Louis Masson (LR) a pointé en commission "un effort budgétaire pas à la hauteur" et une forme de "privatisation de la justice", avec l'intervention de sociétés privées dans le cadre de médiations.

"L'équilibre entre l'accusation et les libertés individuelles n'est pas au rendez-vous", selon la socialiste Cécile Untermaier, qui s'oppose en particulier à "la généralisation des écoutes téléphoniques et perquisitions pour des infractions" faisant encourir trois ans de prison.

L'insoumis Ugo Bernalicis a dénoncé la construction de nouvelles places de prison "quand une attitude rationnelle voudrait que l'on revoie le code pénal pour réduire le nombre de peines de prison prononcées" et le communiste Sébastien Jumel un creusement des "fractures territoriales et sociales".

Les débats vont durer toute la semaine, avant un vote solennel le 27 novembre.

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