Le voeu de Macron de répondre au Congrès divise, sur un air de déjà vu

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Par Anne Pascale REBOUL - Paris (AFP)
Publié le 10 juillet 2018 - 19:40
Mis à jour le 11 juillet 2018 - 01:06
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Le président de la République va-t-il marcher sur les plates-bandes du Premier ministre ? La volonté d'Emmanuel Macron de pouvoir répondre aux parlementaires en Congrès divisait mardi, à droite comme à gauche, ressuscitant des débats d'il y a une décennie.

"J’ai demandé au gouvernement de déposer, dès cette semaine, un amendement au projet de loi constitutionnelle qui permettra que, lors du prochain Congrès, je puisse rester non seulement pour vous écouter, mais pour pouvoir vous répondre", a lancé lundi Emmanuel Macron, à la veille de l'examen du texte au Palais Bourbon.

Le chef de l'Etat entend répondre aux "pires reproches, souvent par facilité", faits avant son adresse au Congrès: "discours du trône" ou "ancien régime", avait-on entendu à droite comme à gauche.

Après son discours, Emmanuel Macron est sorti de la salle du Congrès, laissant place aux groupes politiques pour un débat sans vote, comme le prévoit l'article 18 de la Constitution - qui va être remanié.

Ce droit d'adresse du chef de l'Etat a été gravé en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, qui y voyait "un engagement fort, la mise en jeu d'une forme de responsabilité intellectuelle et +morale+". Depuis 1875, le président de la République ne pouvait qu'envoyer un message lu aux deux Chambres.

Au nom de la séparation des pouvoirs, la gauche s'était élevée contre une disposition "infantilisant" le Parlement. La mesure avait fait grincer les gaullistes aussi, qui y voyaient un abaissement du Premier ministre.

Alors député, François Bayrou (MoDem) avait poussé l'idée d'un débat en présence du chef de l'Etat, sans quoi la proposition de Nicolas Sarkozy lui paraissait "illogique" et "humiliante pour les représentants du peuple".

Bis repetita face au voeu d'Emmanuel Macron, qui va encore plus loin avec un droit de réponse.

Il veut "être un président-Premier ministre", a fustigé le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, son homologue à l'Assemblée Christian Jacob dénonçant "un vrai changement de régime".

- "Président-Premier ministre" -

"Cela deviendra un discours de politique générale, et dans ce cas le président de la République est responsable devant le Parlement, ce n'est plus le Premier ministre", et "il deviendra le chef de la majorité et se posera alors la question de son élection au suffrage universel", a développé M. Jacob devant la presse.

Le patron des socialistes, Olivier Faure, a fustigé mardi soir dans l'hémicycle "une improvisation baroque du président de la République" au Congrès, où d'"un amendement, le président se substitue au Premier ministre et désacralise la fonction. Au bowling, c'est un strike".

Mêmes craintes communistes: la réforme institutionnelle "non seulement va affaiblir le Parlement" mais "on nous propose d'aller un cran plus loin en transformant le président de la République en Premier ministre", selon Sébastien Jumel.

Ces analyses rejoignent celles de certains constitutionnalistes, tel Didier Maus, qui a estimé dans L'Opinion que ce droit de réponse marque "un renforcement de la présidentialisation".

Les Insoumis, qui avaient boycotté le Congrès, ont crié lundi "victoirissime" que "Macron s'incline". S'accordant "le point", leur chef de file Jean-Luc Mélenchon a néanmoins considéré mardi qu'"on change la nature de l'organisation de l'exécutif", avec "un bricolage constitutionnel" car "le président de la République ne peut pas présenter un amendement".

Les députés UDI-Agir, qui avaient déposé en commission un amendement en ce sens, se sont réjouis, tout en jugeant par la voix de Jean-Christophe Lagarde "pas sûr qu'(Emmanuel Macron) grandisse la fonction présidentielle" lorsque cela "le ramènera au niveau du débat parlementaire".

Depuis 2008, "la pratique des institutions a évolué avec le quinquennat et l’élection concomitante des députés: le président est élu avec sa majorité sur un programme et doit rendre compte de son action", a plaidé auprès de l'AFP Jean-Luc Warsmann, rapporteur il y a dix ans (ex-LR, devenu UDI-Agir).

Les socialistes avaient également déposé un amendement pour l'hémicycle afin que le président reste écouter "les représentants de la Nation".

Édouard Philippe a assuré prendre "très bien" la proposition d'Emmanuel Macron. Et a taclé un éphémère amendement du député Damien Abad (LR) pour... un débat "interactif" en Congrès.

Quant à Richard Ferrand, rapporteur général LREM qui s'était opposé en commission aux amendements sur ce thème, il a estimé mardi qu'il fallait "discuter" des "modalités" de cette "réponse de l'exécutif".

parl-reb/ic/frd/kp/cam

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