LFI : Manon Aubry, quand la recrue "citoyenne" devient tête de liste

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Par Baptiste BECQUART - Paris (AFP)
Publié le 10 janvier 2019 - 23:01
Mis à jour le 11 janvier 2019 - 10:16
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Manon Aubry, tête de liste de La France insoumise aux élections européennes, le 9 janvier 2019 à Paris
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© JOEL SAGET / AFP
Manon Aubry, tête de liste de La France insoumise aux élections européennes, le 9 janvier 2019 à Paris
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Manon Aubry, débauchée d'Oxfam par La France insoumise pour être tête de liste aux élections européennes, s'apprête à 29 ans à mener sa première campagne politique, un défi au sein d'une formation focalisée sur les "gilets jaunes" et dominée par Jean-Luc Mélenchon.

Recruter des "personnalités de la société civile" compétentes est devenu à la mode dans les partis politiques. Courtisée par Benoît Hamon, ayant des amis chez Place Publique de Raphaël Glucksmann, Manon Aubry, spécialiste de la question de l'évasion fiscale, a préféré les Insoumis, qui cherchaient à combler le départ du binôme de tête de leur coordinatrice des programmes, Charlotte Girard.

"Quand LFI m'a contactée, j'avais peur d'être une caution, instrumentalisée", confie cette brune menue à l'AFP. Tout de même tentée par "l'opposition constructive, le projet alternatif de société pensé dans sa globalité et dans ses détails" incarnés par LFI à ses yeux, elle s'est astreinte à de longues discussions. Avant finalement d'accepter.

Elle quitte alors Oxfam France après quatre ans comme "responsable de plaidoyer évasion fiscale et inégalités". Elle peut ainsi se targuer d'une bonne connaissance du processus de décision politique, ayant parcouru les couloirs des parlements français et européen pour peser en faveur de la fin des paradis fiscaux.

Issue d'une famille corse de la gauche ouvrière, rompue à la joute politique dès le lycée à Saint-Raphaël (Var) où elle a affronté l'actuel maire RN (ex-FN) de Fréjus David Rachline et mené la contestation contre le Contrat première embauche, Manon Aubry a affûté ses armes de militante de gauche en dirigeant l'Unef à Sciences Po, de 2008 à 2009.

Elle y a combattu les projets d'augmentation des frais d'inscription du directeur Richard Descoings. "C'était une vraie militante, très engagée dans ses combats", se souvient une camarade d'alors. "Elle n'avait pas peur d'aller contre la tendance majoritaire à l'Unef, de bosser la nuit s'il fallait, de prendre des coups."

"On en a vu des personnes de 20 ans se laisser griser, mais je ne l'ai jamais vue être dans le jeu de rôle. En revanche elle n'était pas très ouverte à la contradiction", raconte une autre personne qui l'a bien connue au syndicat étudiant.

- "Pas un bébé Mélenchon" -

Elle privilégie ensuite le monde associatif aux cabinets ministériels: un an au Libéria pour Médecins du Monde; deux ans en République démocratique du Congo pour l'ONG Carter Center contre les grosses entreprises minières; puis Oxfam en 2014 où elle plonge dans de complexes fichiers Excel pour "connaître son ennemi", la finance, et côtoie l'ancienne patronne écologiste Cécile Duflot, devenue directrice.

Ce n'est donc qu'en décembre 2018, désignée tête de liste dans l'indifférence générale en plein temps fort des "gilets jaunes", que Manon Aubry aura intégré un parti. Mais la persistance du mouvement social et l'omniprésence de Jean-Luc Mélenchon compliquent son émergence sur la scène politique.

"Elle ne va pas exister dans la campagne, c'est Mélenchon qui va scander les moments", prédit une figure insoumise, qui juge: "C'est étrange d'avoir accepté la tête de liste quand on ne maîtrise rien dans la composition de la liste et qu'on ne choisit pas le directeur de campagne".

"Ce n'est pas un bébé Mélenchon, la légitimité elle ne la doit qu'à elle-même", tempère l'ancienne camarade de Sciences Po. "Elle peut jouer collectif mais sera prête à discuter sur la ligne s'il le faut."

Reste que de l'avis de beaucoup, elle va devoir s'étoffer politiquement et sortir de sa "niche" de l'évasion fiscale, à laquelle elle a consacré la plupart de ses interventions publiques ces dernières semaines. La jeune femme semble avoir amorcé un changement en poussant un "coup de gueule" sur Twitter et sur RTL contre "la petite musique" des "convergences" entre RN et LFI, "alimentée par Marine Le Pen mais aussi par le gouvernement".

S'il réfute une division des tâches entre elle et lui, Manuel Bompard, numéro 2 sur la liste, confie qu'il sera probablement plus "occupé" par les "gilets jaunes" au plan national, en sa qualité de directeur opérationnel de LFI, tandis que Manon Aubry parlera davantage de leur débouché européen.

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