Après Pittsburgh, où en est l'extrême droite américaine ?

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Par Cyril JULIEN - Washington (AFP)
Publié le 29 octobre 2018 - 21:32
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Robert Bowers, le suspect de la fusillade dans la synagogue de Pittsburgh, le 27 octobre 2018
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Le tireur de Pittsburgh Robert Bowers
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La fusillade qui a fait 11 morts dans une synagogue de Pittsburgh lève le voile sur la galaxie de groupuscules antisémites actifs sur les réseaux sociaux et enhardis par le climat de division dans la société américaine, alimenté par Donald Trump lui-même selon les détracteurs du président.

- Qui sont les groupuscules antisémites? -

L'extrême droite américaine, autoproclamée "droite alternative" (alt-right), est multiforme, mouvante et très active sur les réseaux sociaux pour pallier sa faiblesse structurelle au niveau national. Elle regroupe des organisations archaïques, comme le Parti nazi américain ou le Ku Klux Klan, et des suprémacistes blancs réunis dans des groupuscules comme Rise Above, Identity Evropa, les Proud Boys ou le National Policy Institute de Richard Spencer.

Si certains ne se désignent pas officiellement comme antisémites, ils ont en commun l'objectif d'une Amérique blanche, chrétienne et conservatrice, et dénoncent l'immigration, la mondialisation et les droits des minorités, ethniques ou sexuelles. Robert Bowers, l'auteur de la fusillade de Pittsburgh, n'était pas affilié à l'un de ces groupes, mais a affirmé à la police qu'il voulait que "tous les Juifs meurent" car ils commettaient "un génocide" contre les Américains.

- Connaissent-ils une résurgence? -

La droite alternative a émergé pendant la campagne présidentielle de 2016, encouragée par le site d'informations Breitbart dirigé par Stephen Bannon. Celui-ci, devenu l'éminence grise du candidat Donald Trump, a fait de Breitbart l'étendard d'une droite décomplexée face au "politiquement correct", jouant sur la peur de l'immigration et de l'islam.

Le "fait d'armes" de cette nouvelle droite reste la manifestation de centaines de militants de l'ultra-droite à Charlottesville (Virginie) en août 2017. Des heurts avec des manifestants antiracistes avaient éclaté, et un sympathisant néo-nazi avait percuté une foule en voiture, faisant un mort et 19 blessés.

Les franges de l'alt-right "agissent de concert", disait alors à l'AFP Spencer Sunshine, du centre de réflexion Political Research Associates, estimant que "la marée montante du racisme trumpiste fait avancer leurs navires".

En parallèle, les Etats-Unis ont enregistré en 2017 une hausse de 57% des incidents antisémites par rapport à 2016, la plus forte augmentation enregistrée depuis les années 1970, selon l'Anti-Defamation League.

- Sont-ils encouragés par Donald Trump? -

Le président, dont la fille Ivanka s'est convertie au judaïsme pour épouser Jared Kushner, dénonce à l'envi les actes antisémites. Mais il recourt régulièrement à une rhétorique anti-immigrés, notamment sur la présence de membres du gang ultra-violent MS-13 ou de personnes originaires du Moyen-Orient dans la caravane de milliers de migrants qui se dirige actuellement vers les Etats-Unis en provenance du Honduras.

Le tueur de Pittsburgh apparaît comme "profondément ancré dans les théories racistes et conspirationnistes qui affluent" sur les réseaux sociaux, affirme Heidi Beirich, de l'observatoire des groupes extrémistes Southern Poverty Law Center. Ces théories du complot "sont répétées et promues par la rhétorique de haine sortie des bouches ou des claviers d'une série de personnes allant jusqu'au président Trump", ajoute-t-elle.

Le président américain a ainsi fait siennes plusieurs théories conspirationnistes, comme l'existence d'un "Etat de l'ombre", des hauts fonctionnaires de l'administration sapant son action; le "génocide" des fermiers blancs sud-africains, ou le financement par le milliardaire juif George Soros des manifestions contre le candidat conservateur à la Cour suprême, Brett Kavanaugh, accusé d'agression sexuelle.

Donald Trump a dénoncé lundi le traitement "erroné et souvent malhonnête" de la fusillade par les médias "ennemis du peuple".

- Quel est le rôle des réseaux sociaux? -

Aux Etats-Unis, révisionnisme et négationnisme ne sont pas interdits par la loi, au nom de la liberté d'expression. Facebook ou Twitter ont agi comme une caisse de résonance pour les thèses de l'alt-right, avant de supprimer les comptes considérés comme alimentant la haine raciale, comme ceux du complotiste Alex Jones. Une partie de la droite s'est retrouvée sur des forums de discussion comme Reddit, 4chan ou Gab, où la parole est libre.

Le tueur de Pittsburgh avait ainsi qualifié les Juifs d'"enfants de Satan" sur Gab, selon SITE, centre spécialisé dans la surveillance des organisations extrémistes. Il s'en était aussi pris à l'ONG juive de soutien aux réfugiés HIAS, accusée d'"amener des envahisseurs pour tuer les nôtres". Le réseau social a été fermé par les autorités.

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