Au Brésil, les féministes se remobilisent après l'élection de Bolsonaro

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Par Luisa LUCCIOLA - Rio de Janeiro (AFP)
Publié le 28 novembre 2018 - 07:45
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Le président brésilien élu Jair Bolsonaro (g), le 27 novembre 2018 à Brasilia
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© EVARISTO SA / AFP/Archives
Le président brésilien élu Jair Bolsonaro (g), le 27 novembre 2018 à Brasilia
© EVARISTO SA / AFP/Archives

N'ayant pas réussi à empêcher l'élection à la présidence du Brésil de Jair Bolsonaro, candidat d'extrême droite misogyne, les mouvements féministes tentent aujourd'hui de s'unir pour endiguer la vague ultra-conservatrice qui a déferlé sur le pays.

Élu avec 58 millions de voix (55% de suffrages), l'ancien parachutiste de l'armée a notamment promis de "mettre un point final à tous les activismes".

Dès l'annonce du résultat du scrutin, le 28 octobre, de nombreuses Brésiliennes opposées à Jair Bolsonaro se sont regroupées autour du slogan: "tout le monde se tient par la main". Une façon d'appeler à l'union face au discours de haine.

Fin septembre, une semaine avant le premier tour, des centaines de milliers de femmes étaient déjà descendues dans les rues, répondant au mot d'ordre #EleNão (pas lui). Mais ce mouvement n'avait pas produit l'effet escompté: au contraire, le candidat d'extrême droite s'était envolé dans les sondages les jours suivants.

"Ce qui se passe est très grave. La réalité, c'est qu'on s'est trompées", admet auprès de l'AFP Taliria Petrone, élue du parti de gauche Psol à la Chambre des députés.

Elle déplore le fait que les dérapages de Bolsonaro n'aient pas été pris assez au sérieux, alors que son discours faisait en fait écho chez une grande partie de la population.

"Nous pensions que Bolsonaro était une blague", poursuit cette élue noire de 33 ans. "Maintenant, il faut revenir sur le terrain pour être à l'écoute des gens, à l'écoute de notre base pour changer le cours des choses".

- "Temps difficiles" -

Les mouvements féministes tentent de se remobiliser avant l'investiture du président élu, le 1er janvier.

"Je ne sais pas encore vraiment comment nous allons nous organiser (...) mais nous allons continuer à résister", affirme la philosophe Djamila Ribeiro, une des figures de proue de l'opposition des femmes contre Bolsonaro.

Pour elle, la mobilisation des femmes ces dernières semaines est "continue, historique et gagne de plus en plus de force".

Mais le défi est de taille: la vague bolsonariste a également fait élire de nombreux députés et sénateurs, ainsi que les gouverneurs des Etats les plus peuplés du pays.

Le nouveau Parlement sera l'un des plus conservateurs de l'histoire récente du Brésil. Même si la proportion de femmes a augmenté par rapport à la législature actuelle, nombre d'entre elles sont alignées sur les idées d'extrême droite du président élu.

Mais Taliria Petrone espère que l'opposition saura fédérer "un front uni autour des valeurs démocratiques".

"Nous vivons des temps difficiles mais, même si on ne peut pas être optimiste, ça ne sert à rien d'être pessimiste", ajoute-t-elle, soulignant que les femmes sont souvent les premières victimes des atteintes à la démocratie.

- Rio en ligne de mire -

À Rio de Janeiro, les militantes sont d'autant plus inquiètes que la vague ultra-conservatrice avait déjà déferlé sur la ville avec l'élection il y a deux ans du maire évangélique Marcelo Crivela.

Mais l'Etat de Rio sera gouverné à partir de janvier par Wilson Witzel, proche idéologiquement de Jair Bolsonaro.

"L'Etat de Rio est sans doute le plus atteint par cette vague conservatrice", explique Eliana Sousa, directrice de l'ONG Redes da Maré, qui coordonne de nombreuses activités culturelles et sociales dans une des favelas les plus violentes de Rio.

"La défense des droits de l'homme dans la favela est une tâche particulièrement ardue. Et nous nous attendons à ce que la situation soit encore pire (sous Bolsonaro), alors qu'elle est déjà très dure aujourd'hui", ajoute-t-elle.

"Personne ne sait vraiment ce qui va se passer, mais nous commençons déjà à nous organiser", renchérit Sil Bahia, coordinatrice de Pretalab, un projet social qui défend l'accès des femmes noires aux nouvelles technologies.

"Depuis octobre, nous sommes de plus en plus sollicitées pour organiser des cours de sécurité numérique", pour apprendre aux femmes à ne pas exposer leurs données personnelles sur internet.

"Les femmes ont toujours été à la pointe des transformations sociales, nous voyons ça très clairement dans la favela. Et je crois qu'elles continueront à montrer toute leur créativité pour organiser cette résistance", conclut Eliana Sousa.

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