Au carnaval de Dunkerque, la polémique autour du groupe des "Noirs" incomprise

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Par Zoé LEROY - Dunkerque (AFP)
Publié le 14 février 2018 - 12:38
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Des participants au carnaval de Dunkerque en février 2006
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© FRANCOIS LO PRESTI / AFP/Archives
Des participants au carnaval de Dunkerque en février 2006
© FRANCOIS LO PRESTI / AFP/Archives

"Absurde", "ridicule", "grotesque" : à Dunkerque, les "carnavaleux" se disent "sidérés" pas la polémique autour des "Noirs", un groupe dont les membres se griment en noir, rejetant les accusations de racisme au nom du "droit" à se moquer de tout le monde.

Perruques et visages de toutes les couleurs, parapluies et plumeaux dressés... des milliers de carnavaleux, bras dessus bras dessous, envahissent sur le son des tambours les rues de la cité portuaire. Pendant les "Trois joyeuses", point d'orgue du carnaval mi-février, les personnes sans déguisement détonnent, même les curieux aux fenêtres portent leur "clet'che" ("déguisement").

Parmi les fêtards : les "Noirs". Ils sont une dizaine vêtus d'un pagne en raphia et d'une couronne de plumes, le visage peint en noir et la bouche en rouge. Ce groupe de copains qui se "cooptent" depuis 1968 refuse de répondre aux journalistes.

Ce sont leurs costumes, dans la lignée de la tradition américaine du "blackface", qui font polémique : "Se grimer en noir renvoie à un imaginaire qui perpétue du racisme, de la xénophobie, de la moquerie, du stéréotype", explique Pascal Blanchard, historien, spécialiste du "fait colonial".

Mais pour les "carnavaleux", c'est "l'incompréhension". "Il n'y a rien de raciste dans ce déguisement !", répètent-ils tous. "Bien sûr que nous respectons les personnes noires, mais nous revendiquons le droit de s'amuser, de rire de tout. On se déguise en femme et pourtant les féministes ne disent rien !", lance Allan Schietse, pompier volontaire en manteau de fausse fourrure.

Le groupe des "Noirs" est "emblématique, quand vous en faites partie, c'est le summum ! Ici, on se moque de tout le monde, mais maintenant on ne peut plus rigoler de rien", peste Maurice, un commercial de 36 ans qui a "pris" sa semaine pour "faire carnaval". "Si les +Noirs+ disparaissent, une partie du carnaval s'en ira avec", regrette Marie, 60 ans, boa en plumes autour du cou.

- 'Caricature' -

La perspective du bal organisé par cette bande le 10 mars, la "Nuit des Noirs", avait déjà provoqué l'ire en décembre de la "Brigade anti-négrophobie": "Cautionner le +blackface+ c'est vulgariser la négrophobie en la rendant rigolote. Or nous ne pouvons nous résoudre à être complice de notre humiliation publique", affirmait ce collectif sur Facebook.

Dimanche, Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), a à son tour réagi, dans Le Monde, affirmant que le "blackface" était "l'envers grimaçant de l'esclavage, qu'il a rendu tolérable, voire tout à fait divertissant, aux yeux des peuples d'Occident".

Défense du maire divers gauche de Dunkerque, Patrick Vergriete, toujours dans Le Monde : "Carnaval, c’est le nec plus ultra de la caricature. Et c’est pourquoi c’est un droit qu’il faut défendre et auquel nous ne renoncerons pas".

Cette polémique est "une tempête dans un verre d'eau", pour la section locale de la Ligue des droits de l'Homme. "C'est une tradition carnavalesque, les gens se déguisent, se travestissent, se griment. Si il y avait du racisme avéré, bien sûr que la LDH serait du côté des victimes", objecte Jean Sename, président de la section dunkerquoise.

Pour Arsen Cogez, 24 ans, chapeau fleuri sur la tête, "ce sont des bobos parisiens qui ont lancé cette polémique, ça ne gêne personne ici, on se moque de tout, des noirs, des blancs, des femmes, des curés...". "Toutes les catégories sociales, toutes les origines sont confondues, c'est tout sauf du racisme, le carnaval", assure Pascal Bonne, tambour-major.

"On ne comprend la discrimination que quand on la subit", balaie Pascal Blanchard. "Ceux qui se déguisent en noir ne peuvent pas comprendre, car ils ne sont pas concernés", mais "à travers ces déguisements, il y a quelque chose de discriminant qui perpétue une image négative de l'autre et les personnes concernées se disent +Ca nous choque, la manière dont on nous regarde et dont on nous pense+", conclut l'historien.

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