Brexit : les infirmiers espagnols disent "bye bye" au Royaume-Uni

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Par Anna CUENCA - Oxford (Royaume-Uni) (AFP)
Publié le 22 octobre 2018 - 10:03
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Des personnels médicaux dans le service des urgences du "Royal Albert Edward Infirmary", le 2 avril 2015 à Wigan, au Royaume-Uni
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© OLI SCARFF / AFP/Archives
Des personnels médicaux dans le service des urgences du "Royal Albert Edward Infirmary", le 2 avril 2015 à Wigan, au Royaume-Uni
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Pendant douze heures, Manuel Gala veille sans relâche un patient dans un hôpital d'Oxford où il dit avoir tout appris des soins intensifs. Mais, comme de nombreux infirmiers espagnols, il envisage maintenant de partir, en raison du Brexit.

"Ici, un patient dans un état critique ne reste jamais tout seul, on a donc évidemment besoin de beaucoup de personnel", explique ce Majorquin de 33 ans, qui travaille depuis six ans dans les hôpitaux universitaires d'Oxford.

"Je suis entré sans avoir aucune connaissance des soins intensifs et maintenant je suis coordinateur", raconte-t-il, jugeant "très bonnes" les conditions de travail.

Cinquante mètres de couloir carrelé et de murs à la peinture écaillée séparent son unité du service des urgences de l'hôpital John Radcliffe, une structure moderne de sept étages éloignée du centre de cette ville anglaise plus connue pour son architecture gothique.

L'équipe de Manuel compte des Italiens, des Portugais, des Polonais, des Indiens, des Philippins et des Australiens.

"Ces vingt dernières années, le Royaume-Uni a fait activement campagne pour recruter du personnel étranger", en raison d'une pénurie de main-d'oeuvre locale, explique à l'AFP Siva Anandaciva, analyste au King's Fund de Londres.

Sur les 1,2 million de salariés du système de santé publique britannique (National Health Service, NHS), quelque 63.000 sont originaires de l'Union européenne, soit 5,6%, selon les données du NHS.

Mais les Espagnols, deuxième nationalité européenne la plus représentée parmi les infirmiers après les Irlandais, sont en train de déserter le Royaume-Uni depuis que les Britanniques ont choisi de quitter l'UE en juin 2016.

Seule cette nationalité a vu ses effectifs baisser significativement depuis juin 2016, de 7.240 personnes à 6.160 (soit une baisse de 15%), indique un rapport publié ce mois-ci par le Parlement britannique.

Actuellement, les Espagnols valident automatiquement leurs acquis au Royaume-Uni, sous la forme de points qui améliorent leur chance de trouver du travail dans le service de santé publique espagnol. Mais "nous craignons qu'après le Brexit, cela ne fonctionne plus et c'est pour cela que de nombreuses personnes ont cessé de venir et que d'autres ont décidé de partir", explique Manuel Gala.

- "Trahi" -

Parmi ceux déjà partis, Lara Garrido, dentiste de 34 ans, arrivée au Royaume-Uni en 2010 de Palencia (nord de l'Espagne) pour échapper à la précarité.

"Cela m'a pris exactement deux jours pour trouver du travail comme infirmière dentaire (...). Et en trois mois, je commençais à travailler comme dentiste", raconte-t-elle.

Au fil des ans, elle a gagné la confiance de ses patients et l'amitié de ses collègues de Witham, petite ville du sud-est de l'Angleterre. "J'étais heureuse et consciente qu'en Espagne, il aurait été très difficile de trouver un emploi similaire".

Et puis le Brexit est arrivé. "Toute ma clinique a voté 'out'" (pour la sortie de l'UE), se souvient-elle. "C'est très dur lorsque tes propres patients te parlent du Brexit d'une manière où tu sens bien que tu es toujours vue comme une étrangère."

Après avoir eu leur premier bébé, son mari et elle ont décidé de rentrer en Espagne en raison de l'incertitude régnante.

D'autres sont trop enracinés pour tout laisser derrière eux. "J'ai trois enfants anglais, mon ex est anglaise et ma compagne actuelle aussi. Toute ma vie est ici et maintenant, ils me disent de rentrer chez moi, mais chez moi, c'est ici", se lamente Joan Pons Laplana, infirmier catalan de 43 ans.

Arrivé il y a 18 ans grâce aux premières campagnes de recrutement, il se sent aujourd'hui "trahi". Il a récemment reçu une offre d'emploi en Australie, mais sa famille ne veut pas déménager, même avec un salaire deux fois plus élevé.

Les départs pourraient être catastrophiques pour le système de santé britannique, prévient Siva Anandaciva: "Actuellement, nous n'avons pas assez d'infirmières, de médecins et de chiropracteurs", et un exode "rendra de plus en plus difficile la possibilité de fournir des soins de qualité".

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