Dans un village d'Espagne, on "purifie" les chevaux sur des brasiers

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Par Marianne BARRIAUX - San Bartolome de Pinares (Espagne) (AFP)
Publié le 17 janvier 2018 - 17:06
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Un cheval saute par-dessus un feu de joie dans le village de San Bartolomé de Pinares, dans le centre de l'Espagne, le 16 janvier
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© GABRIEL BOUYS / AFP
Un cheval saute par-dessus un feu de joie dans le village de San Bartolomé de Pinares, dans le centre de l'Espagne, le 16 janvier
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L'épaisse fumée envahit les étroites rues de San Bartolomé de Pinares quand soudain, un cheval traverse au galop un brasier enflammé: les Luminarias, tradition immémoriale de ce village d'Espagne, ont vu cette année défiler plus de 130 cavaliers.

Le vacarme des sabots frappant les pavés fait vibrer les centaines de spectateurs massés dans ce village de 600 habitants non loin de la Sierra de Gredos, à une centaine de kilomètres de Madrid.

Les cavaliers sont de tous âges, y compris de jeunes enfants accompagnés par leur père ou des couples. Personne, pas même les historiens locaux, ne sait d'où vient cette tradition unique en Espagne.

Elle pourrait remonter à environ 3.000 ans, à l'époque où la Castille, hauts plateaux du centre de l'Espagne au climat rigoureux, était occupée par des tribus celtes.

Le feu était vu comme un élément purificateur, protégeant les animaux des maladies et leurs cavaliers de l'infertilité, affirme Salvador Saez, un ancien instituteur de 64 ans ayant fait des recherches sur les Luminarias. Cette célébration païenne aurait ensuite été "christianisée" par l'Église catholique.

Mais ce n'est qu'une théorie parmi d'autres. Il n'existe aucune preuve écrite et les villageois n'ont fait que perpétuer la tradition, oubliant d'où elle venait et depuis quand elle existait.

"Cette question, nous nous la sommes tous posée. Nous avons demandé à nos parents, à nos grands-parents, et la réponse est toujours la même: depuis toujours", affirme Salvador Saez. "Personne n'a su donner une réponse concrète."

- Tradition ressuscitée -

Alors, chaque 16 janvier au soir, les habitants du village allument des feux de joie qui réchauffent les spectateurs mais les forcent aussi à se couvrir la bouche et le nez pour se protéger de la fumée.

À neuf heures du soir, deux villageois ouvrent la marche en jouant du tambour et de la dulzaina, un hautbois traditionnel, suivis au trot par les cavaliers passant, un par un, tout près des brasiers.

La fin du parcours est la plus spectaculaire: les cavaliers les plus téméraires s'élancent au galop et sautent avec leur monture au-dessus des flammes. Certains ne peuvent éviter de percuter des spectateurs.

Une fois le défilé terminé, le vin coule à flots et la viande grille sur les braises encore chaudes, jusque tard dans la nuit.

Le lendemain, les feux de joie sont rallumés en l'honneur de Saint Antoine, le protecteur des animaux, très célébré en Espagne.

Les Luminarias, qui ont failli disparaître dans les années 1960 quand l'exode rural vidait le village, ont été remises au goût du jour par un groupe de jeunes.

La seule différence est que les équidés s'élançant sur les brasiers ne sont plus des chevaux de trait, mais de ballade.

- Chevaux maltraités? -

Avant la tombée de la nuit, Diego Martin prépare son cheval, Dandy, un beau Selle français marron dont c'est la première participation. Il tresse sa crinière et couvre sa queue d'un tissu pour les protéger des flammes.

"S'il veut passer, il passera. Et s'il ne veut pas ou prend peur, il ne passera pas", assure le cavalier de 38 ans qui a grandi à Madrid mais dont les parents sont de San Bartolomé.

La célébration est décriée par les militants des droits des animaux. En 2016, le Parti contre la maltraitance animale avait publié des vidéos montrant des cavaliers frappant leur monture et un des chevaux tombant par terre.

Cette année, quelques participants étaient munis de cravaches, mais la plupart n'en avait pas. Beaucoup levaient les bras pendant le saut pour montrer que le cheval sautait sans y être forcé.

Un cheval est tout de même tombé près d'un brasier, et s'est rapidement relevé.

Les habitants de San Bartolomé martèlent que rien n'est imposé aux chevaux, et que leurs propriétaires les traitent avec amour toute l'année.

"Aucun cheval ne s'est jamais brûlé", assure José Luis Escapez, l'un des organisateurs.

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